Alerte ! la dette de la France est structurelle
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De : https://www.contrepoints.org/2022/05/31/428495-alerte-la-dette-de-la-france-est-structurelle?
Alerte ! la dette de la France est structurelle
Au moment où les taux des banques centrales se mettent à remonter il convient de se pencher sur le problème de notre dette et de sa croissance incessante. Avec la crise du Covid-19 elle a fortement grimpé, Emmanuel Macron n’ayant pas hésité a soutenir l’économie « quoi qu’il en coûte ».
La dette du pays ayant maintenant dépassé le montant du PIB, il faut s’interroger pour savoir si dans le cadre de sa nouvelle mandature il va être possible de faire en sorte qu’elle n’augmente pas davantage encore dans les années à venir.
Rappelons tout d’abord comment l’endettement français a augmenté :
Endettement (en % du PIB)
- 1978…… 20,8 %
- 2000….. 60,0 %
- 2015…… 95,7 %
- 2021…… 113,0%
La courbe ci-dessous, où la dette est calculée par habitant, montre le rythme auquel s’effectue sa progression :
Compte tenu de son allure il est difficile d’imaginer que cette croissance puisse être soudainement stoppée. L’endettement a maintenant atteint 42 300 euros par personne.
Quel est le mécanisme qui anime cette inexorable croissance ?
Pour cela, il convient d’examiner ce que sont les grands ratios qui caractérisent aujourd’hui notre économie. L’épisode du Covid-19 ayant démarré début 2020, réfèrerons-nous à l’année 2019 afin de ne pas raisonner sur des données correspondant aux années de crise.
Le tableau suivant indique où nous en sommes :
Les grands ratios de l’économie française (en % du PIB)
France OCDE
Dépenses publiques 55,6 % 40,8 %
Dépenses sociales 31,0 % 20,0 %
Prélèvements obligatoires 44,1 % 34,0 %
Les dépenses publiques et les dépenses sociales de la France sont extrêmement élevées. Les prélèvements obligatoires y sont les plus importants de tous les pays de l’OCDE (37 membres, les plus riches).
En 2019 les dépenses publiques se sont élevées à 1356 milliards d’euros, soit un excédent de 361 milliards d’euros par rapport à la moyenne OCDE. Sur ces 361 milliards de dépenses excédentaires, les dépenses sociales sont intervenues pour 268 milliards, soit 75 %. Cet excès de dépenses publiques a été financé par des prélèvements obligatoires se montant à 246 milliards d’euros : il a donc fallu recourir à de la dette pour couvrir le solde, soit 115 milliards.
Les ratios qui caractérisent notre économie sont donc générateurs d’un accroissement régulier de la dette, qui est ainsi passée de 1644 milliards d’euros en 2005 à 2834 milliards en 2021, soit un accroissement moyen de 75 milliards d’euros par an.
Les dépenses sociales, source de toutes nos difficultés ?
Par rapport à la moyenne OCDE nous avons un écart de 11 points de PIB pour nos dépenses sociales, soit 270 milliards d’euros de trop en 2019. Il s’agit des dépenses concernant :
- la santé,
- la famille,
- l’emploi,
- le logement,
- la pauvreté.
Cet excédent de dépenses sociales est dû à la régression du secteur industriel qui ne contribue plus que pour 10 % seulement à la formation du PIB, alors qu’il devrait être d’au moins 18 %. Des pays comme l’Allemagne ou la Suisse se placent très largement au-dessus.
En effet, il existe une relation très étroite entre la production industrielle des pays et leur PIB/tête, comme le montre le graphique ci-dessous :
(Source : BIRD)
Dans cette corrélation, la production industrielle par habitant est prise comme variable explicative : la France est pénalisée par une production industrielle très insuffisante.
Avec une production industrielle par habitant de 6900 dollars elle obtient un PIB/capita de 40 493 dollars ; avec un ratio de 12 400 dollars, l’Allemagne se situe à un PIB/capita de 46 258 dollars ; avec une production record de 21 000 dollars par habitant la Suisse en est à un PIB/capita de 81 993 dollars.
La France est aujourd’hui le pays le plus désindustrialisé de toute l’Union européenne, la Grèce mise à part. Aussi, la puissance publique a dû régulièrement augmenter les dépenses sociales du pays afin de remédier à la paupérisation de la population. La crise des Gilets jaunes a été une illustration parfaite de ce phénomène : désertification du territoire et difficultés pour beaucoup de ménages à faire face aux fins de mois, sentiment d’abandon pour toutes ces populations vivant en périphéries urbaines. Les dépenses sociales ne sont plus financées qu’à 59 % par les cotisations et l’État a donc dû faire le complément.
Le mécanisme est simple à saisir : des dépenses sociales de plus en plus importantes, donc des dépenses publiques sans cesse croissantes, d’où des prélèvements obligatoires devenus record. Ceux-ci n’étant jamais suffisants, un recours à l’endettement est nécessaire chaque année. La dette extérieure du pays augmente ainsi régulièrement. Elle en est venue à être supérieure au PIB du pays.
Les dépenses autres que sociales
Nos dépenses publiques autres que sociales sont en excès de 93 milliards d’ euros, soit 15 % de trop par rapport à la norme OCDE. C’est du moins ce qui ressort de ces comparaisons internationales.
Mais il est difficile de dire s’il s’agit de dépenses compressibles ou pas car cet excédent peut correspondre à des choix de société, notamment pour ce qui est de l’arbitrage entre secteur public et secteur privé dans les domaines de la santé et de l’éducation nationale.
Mais il peut aussi s’agir d’un laxisme dans la gestion, voire la combinaison des deux phénomènes.
Le danger d’une dette structurelle
Nous venons de voir que le pays souffre de 35 % de dépenses excessives dans le domaine des dépenses sociales et 15 % dans celui des dépenses de fonctionnement, budget de la défense nationale compris. Malgré des prélèvements obligatoires considérablement plus importants que partout ailleurs, l’État est contraint de recourir chaque année à de l’endettement pour boucler ses budgets. Pour y remédier il faudrait à la fois accroître la richesse du pays en misant avant tout sur le redressement rapide du secteur industriel et simultanément réduire considérablement les dépenses publiques, tout spécialement les dépenses sociales.
Réindustrialiser le pays va nécessiter un temps considérable, car pour y parvenir il faudra des réformes de fond en matière fiscale et de droit du travail. Réduire les dépenses sociales va exiger de faire face à des mouvements populaires permanents difficiles à contrôler.
Ce plan de bataille est fort éloigné de celui sur lequel a été réélu Emmanuel Macron : d’ailleurs, aucun des candidats à l’élection présidentielle n’a dévoilé aux Français la situation économique du pays. En effet, en régime démocratique, à moins d’avoir le tempérament d’un Churchill, il est difficile de se faire élire sur un programme de rigueur. La tâche du nouveau gouvernement va donc être extrêmement ardue car il se trouve face à une opinion publique dont la première revendication porte sur une amélioration immédiate du pouvoir d’achat.
Le déficit public dans le projet de Loi de finance 2022 a été fixé à 4,8 % du PIB, la règle des 3 % étant pour l’instant mise en sommeil. Le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de Loi de finance prévoit que la dette publique se montera en fin d’année à 114,0 % du PIB, à condition que la croissance soit celle qui a été prévue et que les évènements en Ukraine ne troublent pas les prévisions du ministère des Finances. La réduction de la dette n’est donc pas pour tout de suite.
Christian Saint-Étienne, professeur d’économie au CNAM, nous dit dans Le Figaro du 27 mai :
« Distribuer du pouvoir d’achat sans produire, c’est préparer un scénario à la grecque ».
Il craint que nous connaissions bientôt « un moment Tsipras ».
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