Une brève histoire des camps de réfugiés de Gaza
Des centaines de milliers de Palestiniens vivent depuis des décennies dans ces camps surpeuplés, ce qui a nourri et alimente encore des générations de colère et de résistance
Des réfugiés palestiniens font la queue pour recevoir de la nourriture distribuée par l’UNRWA dans un camp de Gaza, le 9 novembre 1956 (AFP/Rene Jarland)
Les attaques contre les camps de réfugiés sont devenues monnaie courante à Gaza depuis le 7 octobre et le début de la dernière vague de violence.
Lundi 18 décembre, une attaque israélienne contre le camp de réfugiés de Jabaliya a fait au moins 151 morts et 313 blessés palestiniens. Beaucoup de victimes se trouvent encore sous les décombres.
Parallèlement, les forces israéliennes ont abattu quatre Palestiniens, dont deux enfants, lors d’un raid militaire dans le camp de réfugiés d’al-Faria à Tubas, en Cisjordanie occupée.
Alors que la plupart des camps de réfugiés sont établis à titre temporaire à la suite de conflits ou de catastrophes naturelles, ceux des territoires palestiniens occupés existent depuis 1948.
En lieu et place d’un simple alignement de tentes frappées du logo de l’ONU, les camps se sont transformés en quartiers bâtis, avec des écoles, des mosquées, des commerces et autres commodités, ce qui amène certains observateurs à se demander s’il s’agit encore de camps de réfugiés.
1948 : la Nakba
En 1948, au cours de la guerre d’indépendance d’Israël, appelée Nakba (« catastrophe ») en arabe, plus de 700 000 Palestiniens ont été expulsés de chez eux par les milices sionistes.
Beaucoup ont fui vers les États arabes voisins, d’autres vers différentes parties de la Palestine historique, où ils ont été contraints de s’installer dans des camps de réfugiés montés à la hâte.
En réponse, l’ONU nouvellement constituée a créé l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), qui gère depuis lors les camps et une grande partie de la vie quotidienne des réfugiés palestiniens.
Selon l’UNRWA, environ 5,9 millions de réfugiés palestiniens peuvent bénéficier de ses services dans ses 58 camps établis au Liban, en Jordanie, en Syrie, en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza.
En vertu du droit international, les réfugiés de 1948 et leurs descendants sont considérés comme des réfugiés jusqu’à ce qu’une « solution durable » soit trouvée.
« Les situations de réfugiés prolongées résultent de l’impuissance à trouver des solutions aux crises politiques qui les ont provoquées », indique l’UNRWA sur son site web.
Gaza, qui abrite environ 2,1 millions d’habitants, dont environ 1,7 million de réfugiés, compte huit camps : Rafah, Jabaliya, Khan Younès, al-Shati, al-Nuseirat, al-Bureij, Maghazi et Deir al-Balah.
Les camps de Gaza sont les parties du territoire qui ont le plus souffert depuis qu’Israël a imposé un blocus en 2007.
Selon l’UNRWA, ces camps qui comptent parmi les zones les plus densément peuplées au monde sont depuis longtemps en proie à de graves problèmes liés aux soins de santé, à l’accès à l’eau, à l’approvisionnement en nourriture, à l’électricité, à l’assainissement et à d’autres questions, avant même les bombardements israéliens incessants lancés depuis octobre.
Le taux de chômage dans les camps s’élevait à 48,1 % au troisième trimestre 2022, tandis qu’environ 95 % de leur population n’a pas d’accès régulier à l’eau potable.
Selon les chiffres antérieurs à la guerre, on estimait que les camps de Gaza renfermaient 620 000 personnes entassées sur moins de 6,5 km² de terrain.
Depuis 1948, les camps constituent une source primordiale de recrutement pour le mouvement de libération palestinien
Depuis 1948, les camps constituent une source primordiale de recrutement pour le mouvement de libération palestinien. Une multitude de groupes palestiniens armés et d’organisations de la société civile y ont vu le jour et s’y sont développés.
Ahmed Yassine, principal fondateur du Hamas, s’est retrouvé dans le camp d’al-Shati avec le reste de sa famille après que les milices sionistes ont détruit leur village dans l’actuel Israël.
Fathi Shaqaqi, cofondateur du Jihad islamique, est né dans le camp de Rafah.
C’est à Jabaliya que la première Intifada, un soulèvement contre la domination israélienne en Palestine, a commencé en 1987, à la suite des funérailles de trois habitants du camp tués après qu’un camion-citerne de l’armée israélienne a percuté une rangée de voitures.
Israël considère depuis longtemps ces camps comme un vivier du « terrorisme » et les a régulièrement visés par des frappes aériennes au fil des décennies, affirmant qu’ils abritent des tunnels, des armes et des centres de commandement contrôlés par le Hamas et d’autres groupes armés.
Depuis le 7 octobre
La frappe survenue lundi contre le camp de Jabaliya n’est que la dernière en date d’une série d’attaques lancées contre les camps de Gaza depuis le 7 octobre, date à laquelle le Hamas a attaqué le sud d’Israël, tuant environ 1 200 Israéliens et capturant 240 personnes.
Tous les camps ont été attaqués par les forces israéliennes depuis la reprise des hostilités. Le plus touché est Jabaliya, réduit à l’état de ruines et où des centaines de personnes ont trouvé la mort.
En deux jours d’attaques fin octobre, le ministère gazaoui de la Santé a déclaré que 195 personnes avaient été tuées. L’armée israélienne a indiqué dans un communiqué avoir éliminé le chef de l’unité de missiles antichars du Hamas, Mohammed Asar, au cours de l’opération.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme s’est alarmé des événements : « Compte tenu du nombre élevé de victimes civiles et de l’ampleur des destructions consécutives aux frappes aériennes israéliennes sur le camp de réfugiés de Jabaliya, nous craignons sérieusement qu’il ne s’agisse d’attaques disproportionnées pouvant constituer des crimes de guerre. »
Plus de 80 % de la population de Gaza a été déplacée depuis le début de la guerre. La majorité d’entre eux sont les descendants immédiats de ceux qui avaient déjà été expulsés de chez eux lors de la création d’Israël – une triste ironie du sort que beaucoup relèvent.
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