Inflation, prix de l’énergie : des commerces écoresponsables à la peine

 De : https://reporterre.net/Inflation-prix-de-l-energie-des-commerces-ecoresponsables-a-la-peine

1er décembre 2023 

Si certaines enseignes surfent sur la vague des produits éthiques, d’autres sont en souffrance, incapables de s’adapter à l’inflation et à la hausse des coûts de l’énergie.

Paris, reportage

C’est un cri d’alerte lancé par des commerçants indépendants un mois avant Noël. Avec son opération « Du coin de la rue au pied du sapin » lancée le 27 novembre, la coopérative à but non lucratif Éthi’kdo s’inquiète des difficultés rencontrées par les commerces de proximité. « Ils sont souvent pris en étau entre la hausse de leurs coûts, l’inflation sur les prix de l’énergie et la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs », déplore Séverin Prats, président et cofondateur de Éthi’kdo.

Pour promouvoir ces enseignes, la coopérative a lancé une carte interactive qui répertorie les commerces écoresponsables dans toute la France. Mais, parmi eux, tous ne sont pas en difficulté. C’est le cas de la friperie Ding Fring, dans le 20e arrondissement de Paris. Le magasin donne une seconde vie à des vêtements et accessoires, de grandes marques comme de marques indépendantes.

Le reconditionné a le vent en poupe

Pendant que quelques acheteurs fouillent les étals à la recherche d’une perle rare, Mohammed Nedromi, gérant du magasin, s’active dans l’arrière-boutique. « Le vintage, c’est devenu à la mode. On avait une clientèle d’habitués, on voit maintenant de nouvelles têtes », explique-t-il. Malgré ce constat, il s’inquiète du manque de main d’œuvre. « Nous travaillons avec des personnes en réinsertion. Comme nous sommes un réseau [le réseau Relais], les salariés alternent entre les boutiques. Idéalement, on doit être cinq salariés, mais là, on n’est que trois », déplore-t-il.

À une dizaine de minutes à pied, un bâtiment tout en bois dénote des autres. L’entreprise Envie s’est installée ici il y a tout juste deux ans. Elle rénove chaque année plus de 180 000 appareils électroménagers avant de les mettre en vente. « On a une très grosse demande en ce moment, nos produits partent très vite », explique, ravie, Claire Salomon, responsable de l’animation et de la programmation de la boutique.

L’entreprise Envie connaît un gros succès grâce à ses appareils électroménagers reconditionnés. © NnoMan Cadoret / Reporterre

Machine à laver ou cafetière, la marque propose de nombreux objets « 30 % à 60 % moins cher que l’équipement neuf, affirme Claire Salomon. Ça nous permet d’avoir des personnes qui n’ont pas beaucoup de moyens, mais aussi celles qui souhaitent acheter mieux pour des raisons écologiques. »

« J’arrive à peine à me payer un mi-temps au smic »

Les sourires sont plus crispés dans l’épicerie indépendante Bokawa, dans le 19e arrondissement. « Ça fait trois mois qu’on est là et on ressent déjà la fatigue. J’arrive à peine à me payer un mi-temps au smic alors que je travaille soixante heures par semaine », se lamente Aglaë Dubois, un café à la main. Avec ses deux collègues, elles vendent dans leur boutique des légumes de saison, graines en vrac et produits de soin naturels. Elles ont aussi installé un bar associatif où l’on peut boire des cafés à seulement un euro.

Si le concept paraît attrayant, les consommateurs ne se bousculent pas dans le magasin. « Par rapport à l’année dernière, on a perdu des clients. Nous ne sommes pas une rue commerçante, donc c’est assez difficile d’en attirer des nouveaux », justifie Jeanne, les traits tirés.

À ses yeux, la solidarité entre les magasins du quartier pourrait les aider à faire face à cette situation. « Si on mettait en place un principe de commandes groupées, nous pourrions diminuer nos frais de port et baisser nos prix pour attirer une plus large clientèle. »

« On ne vit pas toujours de ses rêves »

Même son de cloche chez Coclico’. Nichée dans le 20e arrondissement de la capitale, la petite boutique propose des cosmétiques et soins artisanaux à base de produits naturels. Sa propriétaire, Linda Primavera possède même son propre atelier à l’arrière de la boutique. « Mon rêve, c’était d’avoir une boutique où je produis en vente directe. Mais malheureusement, on ne vit pas toujours de ses rêves, surtout quand on n’arrive pas à se dégager un salaire », regrette-t-elle.

Lors de l’ouverture de la boutique en avril 2021, Linda a fait le choix d’avoir des petits prix pour rendre ses produits accessibles à tous. Mais ce choix n’est pas gagnant pour l’artisane. « Je n’arrive pas à me dégager un salaire. Les prix sont peut-être justes pour les consommateurs, mais ils ne le sont pas forcément pour moi », constate-t-elle, dépitée.

Pour Linda, il faudrait avant tout changer l’image que les consommateurs ont des magasins, comme des prix cassés. « Les clients souhaitent des réductions pour les fêtes, des emballages sympas, mais tout cela a un impact sur l’environnement. Il y a un travail d’information et de sensibilisation à faire pour que le consommateur change ses habitudes », conclut-elle.

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