Radiation d’un général, réveil d’une démocratie ? À Paris, la riposte Pellizzari galvanise un front transpartisan

À
l’issue de l’audience devant le Conseil d’État de ce 17 novembre 2025,
une conférence de presse importante et dense a réuni l’avocate Diane
Protat, le sénateur LR Alain Houpert, l’essayiste Jacques Nikonoff
et l’intéressé, le général (2e section) Paul Pellizzari, radié des
cadres par décret présidentiel le 17 avril. En jeu : l’annulation d’une
sanction jugée « disproportionnée » et, au-delà, la place du Parlement dans les engagements militaires de la France vis‑à‑vis de l’Ukraine.
La chronologie, minutieusement déroulée par Me Protat, plante le décor. En février 2024, Alain Houpert, aux côtés de Nicolas Dupont-Aignan, avait saisi le Conseil d’État pour imposer la ratification parlementaire des accords militaires franco‑ukrainiens sur le fondement de l’article 53 de la Constitution, déjà mobilisé pour d’autres partenariats (Papouasie-Nouvelle‑Guinée, notamment). Requête rejetée. L’absence de saisine du Parlement serait donc un « acte de gouvernement ». Paul Pellizzari, lui, a ensuite saisi la Cour de justice de la République pour « livraison illégale de matériel militaire » faute de ratification parlementaire, et revendiqué le statut de lanceur d’alerte lors d’une interview à France-Soir. Huit mois et demi plus tard, Conseil de discipline et radiation. Entre-temps, 68 militaires ont déposé une « résolution citoyenne » invitant les parlementaires à se prononcer ; Alain Houpert a relayé l’initiative au Sénat (résolution n°547). Cette résolution est cependant toujours en attente d’inscription à l’ordre du jour. « La résolution symbolique a été déposée le 16 avril ; le décret de radiation est tombé le 17. Le calendrier interroge », glisse Me Protat. Décision du Conseil d’État attendue d’ici trois semaines ; le rapporteur du gouvernement a conclu au rejet.
Face aux caméras, Alain Houpert endosse sans ambages le rôle de parrain politique d’un « homme courageux ». Le sénateur dénonce « un monde de déraison » où « l’autorité devient autoritaire, forte avec les faibles et faible avec les forts ». Il tacle le discours alarmiste prêté au chef d’état‑major venu devant les maires : « On leur dit de s’attendre à la guerre dans quatre ans et d’accepter de sacrifier nos enfants. » Et de ramener le débat à l’essentiel : « Je veux qu’on respecte la Constitution et la loi. L’article 53 n’est pas optionnel. »
Sondage sur un échantillon représentatif de Français à l’appui, il explique que « 80% des Français sont contre la guerre » et appelle à « écouter le peuple ». Surtout, il replace Paul Pellizzari dans une bataille de libertés publiques : « Il faut défendre les lanceurs d’alerte. Dans ce pays, si vous êtes contre le gouvernement, vous devenez complotiste. »
Paul Pellizzari, lui, se défend d’être sur le terrain politique. « Je ne fais pas de politique », répète-t-il. Sa ligne est juridique et citoyenne : « L’article 40 m’oblige, en tant que fonctionnaire, à signaler un délit. J’ai porté plainte. On m’a répondu en substance : circulez, il n’y a rien à voir. » De sa radiation, il retient le message envoyé à la communauté militaire : « Les militaires, fermez‑la. Silence dans les rangs. » Il ironise sur la disproportion : « On m’accuse d’avoir “gravement mis en danger la République” — et on met huit mois à me convoquer. Ça ressemble à des représailles. » Sur le fond, il martèle l’exigence de légalité : « Mon combat n’est pas d’être pour ou contre l’Ukraine. Mon combat, c’est le respect de la Constitution. On ne ponctionne pas nos fleurons sans mandat de la Nation. »
À sa droite, Jacques Nikonoff évoque la création du Groupement citoyen France libre (GCFL), une bannière transpartisane rassemblant des composantes issues de la « vraie gauche » (Parti de la Démondialisation, Carmagnole, dynamiques constituantes) et des militaires, aux côtés d’élus comme Alain Houpert. Le fil rouge : démocratie et paix. « À quel moment le Parlement a‑t‑il débattu d’un acte aussi grave que la livraison de 100 Rafale à l’Ukraine ? » interroge-t-il. Dénonçant « un président de la République en déchéance morale », il relie l’escalade belliqueuse à la panne industrielle européenne mise à nu par le rapport Draghi : « On avance vers la guerre, pas vers la paix. Sans industrie, pas de défense crédible ; sans souveraineté nationale, pas de liberté. » Le GCFL revendique l’héritage du Conseil national de la Résistance : « une alliance large, fondée sur l’exigence de liberté. » Et fixe deux axes d’action : « l’offensive judiciaire et la construction d’un mouvement d’opinion pour la paix. Sommes‑nous capables de créer une pression telle que le pouvoir devienne obligé de lâcher ? »
Le débat vire parfois à la joute sémantique, parfois au trait qui claque. Alain Houpert : « le complotisme est devenu le blasphème d’État. » Paul Pellizzari : « dans l’armée, on recoupe ses sources. On n’annonce pas la mort de “Martin Bouygues” parce qu’on l’a entendu à un cocktail. » Le sénateur cite le précédent Dreyfus et promet, défiant : « Mon cher Général, je vous appellerai toujours Mon Général. » Clin d’œil à l’adage militaire, le duo échange : « Si vis pacem, para bellum », puis Pellizzari : « On a changé ça dans l’armée : “Gagnez la guerre avant la guerre”. No comment. »
Sur le terrain institutionnel, Me Protat rappelle la confusion entretenue entre une déclaration gouvernementale non contraignante (article 51-1) et l’obligation de loi de ratification (article 53) pour les accords engageant les finances ou la sécurité. « Un artifice, une pirouette pour éviter d’appliquer le texte », assène-t-elle, soulignant qu’auparavant des accords de moindre portée avaient bien été soumis au vote. Et d’ajouter qu’aucune trace des avis juridiques interministériels n’a été communiquée malgré les demandes.
Qu’attendre maintenant ? D’abord le délibéré du Conseil d’État. En cas d’annulation, Paul Pellizzari « espère récupérer ses étoiles » ; en cas de rejet, il promet de poursuivre « quel que soit le résultat », convaincu que « les Français commencent à s’inquiéter de savoir où passent leurs impôts ». Au Parlement, la balle reste au bureau du Sénat, saisi de la résolution 547. Dans la société civile, le GCFL parie sur une scène recomposée : « Pourquoi ne pas reconstituer une vraie gauche jaurésienne et une vraie droite gaullienne, et agir ensemble là où nous sommes d’accord ? » propose Jacques Nikonoff. Alain Houpert acquiesce : « dans les crises, droite et gauche s’effacent : il n’y a que des Français. »
Reste une phrase, brutale et limpide, comme un test de résistance démocratique : « La première des valeurs de la République, c’est de respecter sa Constitution », tranche Pellizzari.
Trois semaines pour un verdict. Et, peut‑être, bien plus longtemps pour clarifier la ligne rouge entre raison d’État et État de droit.
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