Accord UE-Mercosur : 5 points pour comprendre la colère des agriculteurs
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Par Joséphine Puig Mis à jour le 18 novembre 2024
L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur est au centre de la colère des agriculteurs. Concurrence déloyale, conséquences écologiques... Ce traité est la source de nombreuses critiques.
Il est en négociation depuis près de vingt-cinq ans. L’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Bolivie) pourrait être signé d’ici la fin de l’année. La Commission européenne, soutenue notamment par l’Allemagne et l’Espagne, pousse pour signer au plus vite. Cela pourrait avoir lieu lors du prochain sommet du Mercosur, qui se tiendra du 5 au 7 décembre à Montevideo (Uruguay), voire dès le sommet du G20 au Brésil, les 18 et 19 novembre.
Une perspective qui participe à alimenter la colère des agriculteurs. À l’appel de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire et productiviste, ils promettent une nouvelle vague de manifestations à partir du lundi 18 novembre. La Coordination rurale compte enchaîner dès le lendemain, le 19 novembre. Voici cinq points pour mieux comprendre les enjeux de cet accord.
1. Pourquoi l’UE et le Mercosur souhaitent-ils un accord ?
L’Union européenne et le Mercosur négocient un accord de libre-échange depuis 1999, visant à renforcer leurs relations commerciales. Fondé en 1991, le Mercosur forme une zone de libre circulation des biens et services en Amérique latine avec une politique commerciale commune.
L’UE souhaite obtenir un accès accru à ce vaste marché sud-américain pour y promouvoir ses produits industriels, en particulier les voitures, la machinerie, les produits pharmaceutiques et les équipements de haute technologie. Quant aux pays du Mercosur, « il est très compliqué pour eux de s’opposer à l’idée de renforcer leurs échanges commerciaux avec l’UE, car ils sont très dépendants de leurs exportations et qu’il y a un enjeu culturel et politique à ne pas être uniquement dépendre des États-Unis », explique Maxime Combes, économiste et coanimateur du collectif Stop Mercosur.
2. Des conséquences écologiques préoccupantes
La validation de cet accord, qui réunit « deux blocs aux systèmes économiques très différents », risque d’avoir des conséquences majeures sur le réchauffement climatique, avertit Maxime Combes. L’augmentation du commerce entraînera en effet une hausse de la production — notamment orientée vers l’exportation — et, par conséquent, des émissions de gaz à effet de serre.
Pour répondre à la demande croissante de viande bovine, les agriculteurs du Mercosur seront incités à défricher davantage de terres, ce qui accentuera la destruction de forêts riches en biodiversité, notamment en Amazonie et dans le Cerrado, exacerbant ainsi le dérèglement climatique, comme l’expliquait Reporterre en 2020.
De l’autre côté, selon l’économiste, « cet accord encourage l’industrie automobile européenne à maintenir le statu quo et à continuer d’espérer vendre ses véhicules thermiques polluants en Amérique latine ». D’où le surnom de « viande contre voitures ». C’est un accord qui encourage, selon lui, les secteurs économiques « les plus nocifs de chacune des deux régions », ce qui va engendrer l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre, même si cette hausse est difficile à quantifier avec précision.
Cet accord soulève ainsi des préoccupations éthiques et environnementales : alors que l’Europe satisfait ses besoins agricoles, elle déplace une partie de son impact écologique vers l’Amérique latine, tout en exposant cette région à davantage de pollution industrielle.
3. Une concurrence déloyale pour les agriculteurs européens
Les agriculteurs européens, en particulier les éleveurs, dénoncent ce qu’ils considèrent être une concurrence déloyale face aux producteurs du Mercosur, qui bénéficient de coûts de production plus bas. Selon Maxime Combes, « le prix de la terre y est abordable, le climat favorable à une production abondante, le coût de la main-d’œuvre est très faible et les normes moins strictes ».
Cette situation place les producteurs européens en difficulté, opérant sous des réglementations plus rigoureuses et des coûts plus élevés, comme ceux engendrés par l’interdiction de certains pesticides tels que le paraquat, interdit pour ses risques sanitaires et environnementaux, mais autorisé dans les pays du Mercosur.
Les produits importés du Mercosur risquent donc d’inonder le marché à des prix plus bas que ceux des productions européennes et françaises, comme l’a déjà expliqué Reporterre et entraîner la disparition des producteurs incapables de rivaliser sur les prix, selon l’économiste. De façon similaire, dans les secteurs pharmaceutiques et automobiles, les produits européens, plus compétitifs, pourraient dominer les marchés sud-américains, menaçant ainsi les emplois locaux.
4. Des ressources minières exploitées
L’accord entre le Mercosur et l’UE visant à renforcer les échanges commerciaux, il devrait faciliter les investissements, y compris dans le secteur minier. Ce cadre commercial devrait, selon Maxime Combes, « favoriser l’exploitation des ressources minières » dans les pays du Mercosur, notamment des ressources stratégiques comme le lithium, un métal essentiel pour les batteries des véhicules électriques et les énergies renouvelables.
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Cependant, l’extraction intensive de ces ressources en Amérique latine engendre de graves conséquences environnementales et sociales. Dans des régions arides du Chili et de l’Argentine par exemple, l’extraction du lithium exige d’importantes quantités d’eau pour séparer le métal des autres composants. Cela épuise les sources d’eau souterraine, réduisant fortement les réserves disponibles pour les habitants et les écosystèmes.
« Que les mines partent et laissent mon peuple vivre en paix », témoigne dans Reporterre un habitant de Toconao, au Chili, inquiet pour l’avenir de sa communauté indigène, très dépendante en eau pour ses cultures et ses traditions.
5. Des pratiques « néocoloniales »
Le collectif Stop-Mercosur dénonce un accord « néocolonial et déséquilibré », qui devrait « aggraver les asymétries économiques et socio-environnementales existantes ». Selon Maxime Combes, les pays du Sud sont en effet déjà très dépendants de l’exportation de leurs ressources naturelles, car nécessaire pour financer leurs politiques nationales et pour des questions de stabilité monétaire. Cet accord les enfermerait un peu plus dans un modèle d’extraction et d’exportation de matières premières, au détriment du développement d’une industrie et d’autres services.
Sans retombées économiques significatives pour les populations locales, les bénéfices de l’exploitation des ressources naturelles profitent en effet, selon l’économiste, principalement aux grandes entreprises, souvent étrangères, tandis que les communautés locales doivent supporter les conséquences environnementales et sociales. Une forme de néocolonialisme, où l’Amérique latine supporte les coûts environnementaux tandis que l’Europe en tire les bénéfices économiques.
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