Emmanuel Macron : après le 49.3, le discours qu'il ne prononcera jamais
ÉDITO - Le président de la République va prendre la parole ce mercredi à 13 heures. Au surlendemain de l’adoption de la réforme des retraites, qui a entraîné partout en France de vives contestations, quel rôle peut-il endosser ? Avant tout celui d’un authentique président.
Présider, c’est diriger. Mais cela signifie aussi « prendre soin », « être un protecteur », du grec « proistemi » (προΐστημι). Les citoyens attendent d’Emmanuel Macron qu’il honore ce double rôle : celui de dirigeant et de protecteur. Un président qui décide de venir en aide à tous les Français et qui ne soit pas au seul service d’une minorité. Un président qui sache aussi « occuper la place d’honneur » au sein de la Cité, tout en montrant de la considération envers ses compatriotes.
Car les Français ont souffert ces dernières années. Ils ont consenti à beaucoup de sacrifices, dont certains étaient disproportionnés et vains. Il y a eu les libertés perdues, lors des confinements. Il y a eu le consentement libre et éclairé bafoué, par une obligation vaccinale « déguisée » en passe sanitaire.
Et depuis lundi dernier, il y a la disparition de l’un des symboles clef du système de protection sociale français : les retraites. Cette réforme, certains la jugent nécessaire. D’autres, faute de lui trouver une utilité économique réelle et argumentée, voient en elle plutôt la volonté revendiquée de faire tomber l’un des derniers piliers de notre modèle social.
À la place de cette spécificité française, l’idéologie économique anglo-saxonne l’emporte, sous la forme d’une grande braderie qui fait le bonheur (et les profits) de fonds d’investissements américains, tel Blackrock. Une emprise atlantiste qui n’a que faire de l’équilibre de nos sociétés, de ses systèmes de protection ciselés aux multiples nuances populaires et égalitaires. Seule compte la conquête des parts de marché, à l’instar de ce que pratique l’OTAN dans le champ de la géopolitique.
Ce n’est pas un hasard si cette organisation, vestige du passé qui aurait dû disparaître avec la fin du Pacte de Varsovie, considère la France comme un embarrassant vassal : un pays à la société atypique, imprévisible, ni pleinement affidée au monde anglo-saxon, ni aux modèles russes ou chinois.
Contre toutes ces forces adverses qui ne défendent pas leurs intérêts, bien au contraire, les Français se sentent démunis et abandonnés. D’où l’attente d’un président qui les protège. D’où l’espoir d’entendre des mots qui, enfin, expriment une volonté de résistance et de soin.
Voici le discours que la majorité du peuple français aimerait entendre. Celui d’un président qui sait où il va et protège. Un discours qu’Emmanuel Macron ne prononcera jamais :
« Mes chers compatriotes,
Nous sommes Français. Le monde entier envie notre système social. Dès lors, nous ne laisserons personne le détruire ou le piller. J'ai entendu votre appel, celui de la France de la rue. J’ai échoué à vous démontrer la nécessité économique de cette réforme des retraites. Je le regrette. Son adoption, avec un recours à l’article 49 alinéa 3, a été une erreur, l’illustration d’un déni de démocratie.
Mes chers compatriotes, j’ai compris que le peuple de France ne veut pas de cette réforme. Moi-même, souvenez-vous, en 2017, j’avais pris l’engagement de ne pas toucher au système des retraites. Depuis, en même temps, j’ai fait fausse route.
Français, Françaises, vous avez raison. La retraite par répartition est un élément qui dépasse les seuls enjeux du monde économique contemporain. Il est notre ADN. Il aspire à la protection du plus grand nombre. Je dois donner l’exemple et être son premier protecteur. Son sort ne peut être joué sur un coup de 49.3 à neuf voix près, soit trois fois rien.
En tant que garant du bon fonctionnement des institutions, il me revient en tant que président de la République, de rétablir la paix sociale dans notre beau pays. Un pays qui mérite mieux que des poubelles qui brûlent dans notre Ville Lumière, à cause d’une politique bornée.
C'est pourquoi j'ai décidé « de procéder à un référendum » ou « de dissoudre l'Assemblée nationale » (rayer la mention inutile).
Car dans une démocratie digne de ce nom, c'est le peuple qui toujours doit avoir le dernier mot. Un mot qui ne doit pas toutefois s’exprimer dans la rue avec de véhémentes opinions, mais dans les urnes, avec des convictions. Afin de préserver notre concorde sociale, pour un retour à la bonne marche de notre société, je choisis la voie du vote. Si vous ne voulez pas de cette réforme, rejetez-la. »
Voilà le discours que pourrait tenir un président de la République soucieux de ses concitoyens et respectueux de sa fonction. Avec honneur. Un président qui sait diriger, protéger et se dresser devant l’histoire, même à contre-courant. Emmanuel Macron ne le fera jamais. Ni mea culpa, ni regret, ni idéal grec, ni illustre destin : ces éléments lui ont fait défaut dans tous les moments clefs de sa présidence.
Les Français, une nouvelle fois, vont assister tout à l'heure à une représentation de Macron le VRP, de Macron l’épicier. Après avoir dit « vaccinez-vous, vaccinez-vous ! », va-t-il dire « assurez votre retraite dans le privé, assurez-vous ! » ?
Ici, point de contrat de confiance dont il se réclame, mais un nouveau contrat de défiance et de contraintes. Comme un éternel donneur de leçons qui n’a jamais appris les siennes.
La France est une grande Nation. Nombre de Français brillent au firmament des découvertes techniques et scientifiques. Nombre de Français ont écrit les plus belles pages de l’histoire de la culture et de la pensée. Réfractaire de tous les horizons à la soumission d’une autre entité administrative et politique, peu importe laquelle, le peuple de France a toujours su rebondir et retrouver le chemin de son indépendance.
Un chemin qui passe concrètement par une agriculture souveraine, une autonomie énergétique, une excellence de l’ingénierie, une exception culturelle... Et bien entendu, par un modèle social à l’avantage comparatif inégalé. Macron aura voulu et fait tout le contraire. L'individualisme a remplacé la solidarité. Le futile a pris le dessus. Il a réussi à désacraliser la fonction présidentielle.
La souveraineté nationale qui « appartient au peuple », selon l’article 3 de la Constitution, a fini de fondre comme neige au soleil. Une perspective prévisible après le refus de reconnaître le non des Français au Traité de Lisbonne en 2005. Emmanuel Macron et Élisabeth Borne, madame 49.3, piétinent chaque jour avec insolence et mépris le principe de la République : « Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »
Et pendant ce temps-là...
Sur la scène intérieure française, nous sommes témoin de l'usage d'un verbiage et d'actes guerriers, de « nous sommes en guerre » à « nous pouvons crier victoire » d'Élisabeth Borne hier sur BFMTV. Alors que sur la scène internationale, Poutine et Xi Jinping écrivent l'histoire en déclarant conjointement à Moscou « une guerre nucléaire ne doit jamais arriver » et consacrent le yuan comme une nouvelle monnaie d'échanges internationaux. Question de priorités, apparemment.
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