Israël/Gaza - La guerre contre un territoire OCCUPÉ
Guerre Israël-Palestine : le refus de l’Occident d’appeler à un cessez-le-feu est un blanc-seing au nettoyage ethnique de Gaza
Dans l’avalanche de commentaires chargés d’émotion sur l’attaque du 7 octobre par des combattants palestiniens contre Israël et l’attaque israélienne qui s’ensuit contre Gaza, les médias et les dirigeants politiques semblent avoir oublié que, du point de vue du droit international, Gaza reste un territoire occupé soumis à la quatrième Convention de Genève.
Bien qu’Israël ait proclamé unilatéralement son « désengagement » de Gaza en 2005 – en retirant ses troupes, en démantelant 21 colonies et en expulsant 8 000 colons (quelque peu indemnisés par le versement de centaines de milliers de dollars de compensation à chaque famille de colons illégaux) –, cela n’a pas mis fin à ses obligations en vertu du droit international.
Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a tiré cette conclusion en se fondant sur le fait que le désengagement d’Israël n’a pas mis fin aux réalités existentielles du contrôle israélien sur Gaza, ni permis au territoire de bénéficier des avantages d’un développement politique autonome.
Au contraire, le processus a impliqué un redéploiement intrusif des forces militaires et policières d’occupation aux frontières de Gaza, y compris un contrôle total sur l’entrée et la sortie des Palestiniens et des marchandises aux points de passage, ainsi que la poursuite de la domination exclusive sur l’espace aérien et maritime de Gaza.
De la même manière que les factions armées palestiniennes n’étaient pas autorisées à commettre des crimes de guerre en raison des provocations intenses constituées par des décennies d’actions criminelles israéliennes, Israël n’est pas non plus autorisé à agir en dehors des contraintes de la loi lorsqu’il exerce des représailles
Cette structure d’occupation post-2005 a été renforcée par de fréquentes incursions israéliennes, notamment les assassinats ciblés de responsables politiques et militaires du Hamas, les bangs soniques effrayants provoqués par le survol des avions de combat israéliens ainsi que les opérations militaires majeures en 2008-2009, 2012, 2014 et 2021, au cours desquelles Israël a commis de nombreux crimes de guerre.
En outre, depuis 2007, un blocus strict et punitif a engendré chez la population appauvrie de Gaza le taux de chômage le plus élevé au monde et une expérience collective de déclin économique potentiellement mortel.
Le bilan d’Israël en matière de criminalité à l’égard de Gaza a notamment été documenté en 2009 dans le rapport Goldstone de l’ONU, dont les recommandations politiques n’ont pas été mises en œuvre en raison des pressions politiques exercées au nom d’Israël.
Ce schéma typique de condamnation des politiques et pratiques d’Israël sans adoption en réponse de la moindre mesure préventive ou punitive proposée est rejoué encore et encore, ce qui explique la désillusion palestinienne à l’égard de l’ONU et du droit international.
Réaction disproportionnée
La question du statut juridique de Gaza est extrêmement pertinente relativement aux représailles aveugles et disproportionnées d’Israël, que l’État et ses partisans justifient comme étant une vengeance tout en poursuivant l’objectif de détruire le Hamas.
L’opération menée par les combattants palestiniens à l’intérieur d’Israël le 7 octobre, laquelle a fait plus de 1 400 morts israéliens et environ 200 otages, constituait en soi un crime de guerre évident.
Ni l’attaque des combattants palestiniens ni la riposte d’Israël ne sont exemptes des contraintes de la loi et de la morale. Pour le dire simplement, les crimes commis ne donnent pas une impunité juridique aux crimes de guerre israéliens commis en représailles.
Le point central jusqu’à présent perdu dans le discours public est le suivant : de la même manière que les factions armées palestiniennes n’étaient pas autorisées à commettre des crimes de guerre en raison des provocations intenses constituées par des décennies d’actions criminelles israéliennes, Israël n’est pas non plus autorisé à agir en dehors des contraintes de la loi lorsqu’il exerce des représailles.
Le cadrage international approprié de la relation entre Israël et le Hamas – bien qu’il soit crucial pour l’interprétation des questions juridiques, morales et politiques en jeu – a été absent de manière révélatrice de la plupart des traitements médiatiques et des postures politiques des dirigeants politiques occidentaux influents.
Israël a utilisé le langage le plus incendiaire et le plus exubérant pour justifier ses ripostes. Cet extrémisme israélien sans foi ni loi a été approuvé sans ambages par les gouvernements des États-Unis, de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni. Ces déclarations ne mentionnent pas l’obligation qui incombe à la puissance occupante d’administrer les territoires sous son contrôle de manière à donner la priorité à la protection et au bien-être de la population civile occupée. L’occupant jouit d’un droit réciproque de maintenir sa sécurité d’une manière qui respecte et protège les non-combattants.
De ce point de vue, il est conceptuellement trompeur et inacceptable d’un point de vue normatif qu’Israël déclare la guerre à un territoire occupé, comme si l’autorité administrative indigène était un gouvernement étranger ennemi – mais c’est exactement ce qu’Israël a fait, y compris à travers des allégations de légitime défense qui ne correspondent pas à la situation d’occupation belligérante.
Siège génocidaire
Israël a déclaré une guerre totale à Gaza, imposant un siège génocidaire qui a coupé l’approvisionnement en nourriture, en électricité et en carburant, ne prenant aucune disposition pour en exempter les civils – dont la plupart n’ont aucun contact direct avec les activités militaires du Hamas.
L’article 55 de la quatrième Convention de Genève énonce le devoir d’Israël, en tant que puissance occupante, de veiller à ce que les personnes vivant dans le territoire qu’il « occupe » aient accès à de la nourriture, de l’eau et des médicaments en quantité suffisante. Mais les représailles aveugles d’Israël incluent des bombardements aériens nocturnes répétés sur des zones résidentielles, ainsi que le ciblage interdit d’hôpitaux, d’écoles et de bâtiments de l’ONU, où de nombreux Palestiniens ont cherché refuge en ces circonstances extraordinaires.
Ces déclarations ne mentionnent pas l’obligation qui incombe à la puissance occupante d’administrer les territoires sous son contrôle de manière à donner la priorité à la protection et au bien-être de la population civile occupée
Un ordre d’évacuation de 24 heures adressé à 1,1 million de Palestiniens vivant dans le nord de Gaza, sans que ne soit prévu un délai raisonnable pour organiser un départ aussi dangereux de leurs lieux de résidence à long terme, a été aggravé par l’absence d’endroit sûr et habitable où les Palestiniens pourraient se rendre, intensifiant ainsi les dangers auxquels sont confrontés les civils de Gaza – et leurs souffrances. Une telle mesure s’apparente à une sanction collective extrême, interdite par l’article 33 de la quatrième Convention de Genève. Cela a moins à voir avec la sécurité qu’avec le fait de chasser les Palestiniens de Gaza, mettant ainsi en œuvre les visions ultimes de la coalition extrémiste qui gouverne Israël.
Il est pertinent de noter que Michael Lynk, le rapporteur spécial de l’ONU pour la Palestine, a soumis un rapport détaillé à l’agence sur les raisons pour lesquelles l’autorité d’Israël en tant que puissance occupante devrait être levée, étant donné son non-respect du droit international applicable en matière de droits de l’homme.
Cette recommandation a été ignorée par l’ONU, mais l’Assemblée générale a été suffisamment troublée par le comportement d’Israël en Palestine occupée pour demander un avis consultatif à la Cour internationale de justice sur le maintien de la légalité du statut d’Israël en tant que puissance occupante dans le cadre de la quatrième Convention de Genève. L’affaire est actuellement examinée par le tribunal.
Si l’Occident continue d’approuver le deux poids, deux mesures qu’il affiche lors de la catastrophe humanitaire qui se déroule à Gaza, cela rappellera que le monde postcolonial conserve une éthique de racisme orientaliste lorsqu’il s’agit d’aborder les questions de paix et de justice au Moyen-Orient.
En s’abstenant de plaider en faveur d’un cessez-le-feu, les États occidentaux ont donné le feu vert au programme israélien de sanction collective, lequel pourrait lui-même être une couverture grotesque pour l’objectif ultime du régime : la dépossession massive et le nettoyage ethnique du peuple palestinien.
- Richard Falk est un spécialiste en droit international et relations internationales qui a enseigné à l’université de Princeton, aux États-Unis, pendant 40 ans. En 2008, il a été nommé par l’ONU pour un mandat de six ans en tant que Rapporteur spécial sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens.
Commentaires
Enregistrer un commentaire