La vision sioniste de la guerre : « Prenons tout Gaza et évacuons les Palestiniens vers l’Égypte »
Gaza, 2002. Des garçons palestiniens escaladent une clôture pour mieux voir une manifestation contre Israël. Abid Katib/Getty Images
Écrit par Piero Messina. 28/10/23
Quel est l’objectif géopolitique et géostratégique du gouvernement israélien envers ce qui reste de la Palestine ? Que veut obtenir Israël de ce conflit, dont Netaniayhu lui-même annonce qu’il sera long et douloureux ? L’armée israélienne attaque Gaza depuis les airs, la terre et la mer. L’approvisionnement, l’électricité et les connexions ont été presque totalement compromis et pour comprendre ce qui se passe réellement, il faudra attendre la fin de cette phase du conflit, phase qui, pour le ministre israélien de la Défense, n’est pas encore une invasion terrestre.
Pour tout analyste militaire, il est désormais clair qu’un tel déploiement de forces n’a pas seulement pour objectif d’éliminer le Hamas. Alors, jusqu’où veut aller le gouvernement de Tel Aviv ?
Selon certains analystes, l'une des options sur la table serait de détruire le réseau souterrain de tunnels, véritable squelette du système opérationnel du Hamas. L'idée serait d'inonder ces tunnels. Au terme d’une telle opération, cela transformerait Gaza en un gigantesque lac de mort et de destruction.
Si cette opération paraît anti-humaine, il existe un document récemment publié par le groupe de réflexion Misgav (Institut pour la sécurité nationale et la stratégie sioniste) qui dresse un objectif politique qui n’a rien à envier à la « solution finale » de la mémoire nazie.
Cliquez pour voir l'image en taille réelle
Le document est signé par Amir Weitman, l’un des penseurs les plus influents du parti Likoud. Weitman est ce qu’on appelle un faucon en géopolitique. Lors de sa dernière apparition télévisée sur Russia Today, il a menacé le gouvernement russe pour le soutien « supposé » apporté par Moscou au Hamas. Weitman a ajouté qu’une fois le dossier du Hamas résolu, le gouvernement israélien devra veiller à la défaite de la Russie en Ukraine.
Mais le ton belliciste de Weitman est dilué et semble avoir peu d'importance par rapport à sa stratégie d'après-guerre en Palestine.
Le document signé par Weitman pour Misgav est intitulé « Plan de réinstallation et de réhabilitation définitive en Egypte de l'ensemble de la population de Gaza ». Bref, Weitman émet l’hypothèse d’une expulsion définitive des Palestiniens de cette terre qui finirait par être entièrement sous le contrôle de Tel-Aviv.
Le premier objectif fixé par l'universitaire et homme politique est de nature militaire : la guerre que mène Tsahal « doit créer les conditions appropriées pour que la population de Gaza puisse immigrer en Égypte ». Weitman imagine également pouvoir aligner dans ce projet les intérêts économiques et géopolitiques de l’État d’Israël, de l’Égypte, des États-Unis et de l’Arabie saoudite.
Sur quelles données l'analyste fonde-t-il son projet : « en 2017, il a été rapporté qu'il y avait environ 10 millions de logements vacants en Egypte, dont environ la moitié sont construits et l'autre moitié est en construction, une énorme quantité de logements construits et vides » appartenant à l’État et à des particuliers et situés dans des zones de construction suffisantes pour accueillir environ 6 millions d’habitants ».
Weitman fait le calcul dans la poche de la population égyptienne : « La majeure partie de la population locale n'est pas en mesure d'acheter des appartements malgré leurs prix très bas (entre 150 et 300 dollars le mètre carré). L'analyste explique également ce qui pourrait être proposé aux Palestiniens chassés de leurs terres : « le coût moyen d'un appartement de 3 pièces d'une superficie de 95 m2 pour une famille gazaouie moyenne de 5,14 personnes s'élève à environ 19 000 dollars. Compte tenu de la taille actuellement connue de la population totale vivant dans la bande de Gaza, qui varie d'environ 1,4 à environ 2,2 millions de personnes, on peut estimer que le montant total qui sera nécessaire pour financer le projet sera de l'ordre de de 5 à 8 milliards de dollars, un chiffre qui reflète une valeur comprise entre seulement 1% et 1,5% du PIB de l'État d'Israël ». Le projet est défini par Weitman comme « facilement financé par l’État d’Israël ». Selon la thèse présentée sur Misvag, Israël devrait donc financer le gouvernement égyptien pour acheter ces maisons pour la population palestinienne.
Pour Weitman, c'est ainsi que sera résolu le problème de la bande de Gaza, « qui représente depuis des années un obstacle à la paix, à la sécurité et à la stabilité, non seulement dans la bande de Gaza, mais dans le monde entier ». Et c'est l'analyste lui-même qui présente son projet comme une « solution innovante, économique et durable ». Après l'analyse économique, Weitman explique également les raisons géopolitiques en faveur de son plan. «Pour les pays européens – écrit l'analyste – les risques d'immigration clandestine sont réduits. L’Arabie saoudite bénéficiera également de manière significative de cette décision, car l’évacuation de la bande de Gaza signifie l’élimination d’un allié important de l’Iran et une énorme contribution à la stabilité de la région.
PLUS SUR LE SUJET :
- Israël en quête d’une guerre régionale
- Mise à jour sur la guerre à Gaza : le Hamas intensifie ses attaques à la roquette alors que Tsahal développe ses opérations terrestres (Vidéos)
- Mise à jour du Front libanais : le Hezbollah attaque des sites de l’armée israélienne et tire sur un drone (Vidéos)
Les coloriages ajoutés sont un choix de ce blog
Commentaires
Enregistrer un commentaire