Des toits blancs contre la chaleur, une stratégie efficace ?

 De : https://reporterre.net/Des-toits-blancs-contre-la-chaleur-une-strategie-efficace

Par  Scandola Graziani

24 août 2023 à 10h01Mis à jour le 26 août 2023

Pour lutter contre les vagues de chaleur, la solution en vogue est de peindre les toits des bâtiments en blanc. La demande explose en France : collectivités et supermarchés s’y mettent.

Et si recouvrir les toits de peinture blanche permettait de se protéger de la chaleur ? Baptisée « cool-roofing » (de cool : frais, et roof : toit), cette technique existe depuis des siècles dans les pays du pourtour méditerranéen et d’Amérique du Sud. Et fait des adeptes un peu partout dans le monde, comme à New-York, aux États-Unis, où au moins 1 million de mètres carrés auraient été peints en blanc depuis 2009. Supermarché, gymnase, hôpital... La demande explose aussi en France alors que les vagues de chaleur se succèdent et s’intensifient.

Concrètement, il s’agit de recouvrir son toit d’une peinture blanche aux propriétés réfléchissantes, qui renvoie les rayons solaires vers le ciel. C’est ce qu’on appelle l’effet d’albédo. Ainsi repeintes en blanc, les toitures sombres, souvent brûlantes en été, absorbent moins de chaleur, ce qui permettrait de conserver la fraîcheur à l’intérieur du bâtiment. « Le gain en température en été est de -6 à -7 °C, et si le bâtiment est climatisé, cela représente une économie d’énergie d’environ 40 % », détaille Julien Martin-Cocher, le directeur de l’entreprise brestoise Cool Roof France, leader du marché en France depuis 2015.

L’un des écueils est que « la peinture réfléchit aussi les rayons du soleil l’hiver, donc parfois, ça peut entraîner une surconsommation d’énergie pour le chauffage ». Cool Roof France

Cette année, beaucoup s’y mettent. « On a fait un demi-million de mètres carrés de toiture. Pour vous donner une idée, c’est autant que ce qu’on a fait en cumulant nos sept premières années d’activité », rapporte le professionnel. Le prix ? De 20 à 25 euros le mètre carré « fourni posé ». De nombreuses entreprises y voient ainsi une solution intéressante pour faire baisser la température dans leurs locaux. C’est notamment le cas des enseignes de grande distribution, comme E.Leclerc ou Carrefour. Elles font partie des premières à avoir expérimenté le cool roofing sur les toitures de leurs supermarchés recouvertes de membranes bitumineuses noires, brûlantes l’été.

Les retours d’expérience sont positifs : « On a économisé 25 % d’énergie, été comme hiver, et on n’a pas allumé la climatisation depuis le début de l’installation. C’est un vrai confort pour les clients et les machines à faire du froid sont moins sollicitées. Je recommande ce système à tous mes collègues, surtout dans notre région », témoigne Emmanuel Vermot, directeur d’un supermarché Carrefour à Aix-en-Provence joint par Reporterre.

Les collectivités s’y mettent. Tout récemment, la Ville de Tremblay-en-France, au Nord-Est de Paris, a recouvert la totalité de la toiture du gymnase Jean-Guimier, soit 3 770 m2 de toiture : « Il y avait un souci de chaleur dans la salle de gymnastique, donc on avait déjà fait des travaux d’isolation. On cherchait à apporter un confort supplémentaire sans trop peser sur les dépenses de la Ville », rapporte Céline Charbonniers, la directrice des bâtiments. Le gymnase servira aussi de lieu d’entraînement pour les Jeux olympiques, d’où l’importance d’en maîtriser la température. « En une semaine, on a perdu 5 °C à l’intérieur : la température est passée de 36 à 31 °C. Les agents qui assurent la sécurité du gymnase et les athlètes nous ont dit qu’ils sentaient la différence », témoigne Céline Charbonniers.

Même son de cloche chez Arnaud Vallet, le responsable d’équipe du bateau-hôpital de jour de l’Adamant (Paris), qui dit mesurer une différence de 10 °C depuis l’application de la peinture Cool Roof sur le toit en fonte de la structure.

Dans le secteur du bâtiment, certains sont sceptiques

« On ne peut pas faire le lien cool roof = économie d’énergie dans tous les cas », nuance Rémi Perrin, président du groupement des fabricants de membranes d’étanchéité bitumineuses à la chambre syndicale française d’étanchéité (CSFE), et également directeur de la Recherche et Développement chez Soprema, une entreprise spécialiste de l’étanchéité. Pour rappel, les toits plats sont généralement couverts de membranes imperméables.

« Si le bâtiment est déjà très bien isolé, ça n’aura aucun impact sur la consommation d’énergie liée à la climatisation. S’il est mal isolé, la peinture aura un effet mais uniquement au dernier étage qui se trouve juste sous le toit. » Rémi Perrin signale aussi le possible « effet rebond » de la peinture Cool Roof dans certaines régions qui consomment davantage d’énergie pour se chauffer que pour se rafraîchir : « La peinture réfléchit aussi les rayons du soleil l’hiver, donc parfois, ça peut entraîner une surconsommation d’énergie pour le chauffage. »

Le représentant syndical en profite pour rappeler qu’une toiture peinte au Cool Roof doit être entretenue régulièrement pour ne pas qu’elle ne s’encrasse, au risque d’être moins efficace. Le Giec évoquait d’ailleurs la méthode en 2014, tout comme dans son rapport de 2022 sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité au changement climatique : on y apprend que peindre les toits est utile pour réduire les effets des vagues de chaleur en milieu urbain mais qu’ils peuvent vite griser à cause de la pollution.

Le Brico Dépôt de Brive-La-Gaillarde (Corrèze) recouvert de peinture blanche. Cool Roof France

Mais ce n’est pas tout. Dans une vidéo, le syndicat des étancheurs énumère les risques liés à cette technologie : « Incompatibilité chimique entre la peinture blanche et la membrane d’étanchéité, risque de décollement de la peinture, remise en cause de la sécurité incendie, professionnels non formés aux conditions d’intervention pouvant entraîner des chutes, ou la détérioration de l’étanchéité »... Ils signalent aussi que l’application de la peinture Cool Roof sur un toit n’est pas systématiquement couverte par les assurances décennales, « à l’inverse des autres revêtements et membranes réflectifs qui sont généralement couverts ».

« En une semaine, on a perdu 5 °C à l’intérieur du gymnase »

Car à la place de la peinture, les fabricants de membranes d’étanchéité proposent d’autres produits pour rafraîchir les toits : « Le principe du "cool roof", ce n’est pas seulement une peinture, c’est une propriété d’un revêtement qui réfléchit la lumière donc ça peut être la membrane d’étanchéité elle-même par exemple, ou un revêtement synthétique de couleur claire. Ce sont des solutions évaluées et moins risquées que la peinture », affirme Rémi Perrin.

« C’est une véritable campagne de dénigrement ! » s’indigne Julien Martin-Cocher. Selon lui, les étancheurs craignent que leur marché soit menacé par la peinture Cool Roof, car en refroidissant la toiture, elle évite que le revêtement se dilate sous l’effet de la chaleur, et prolonge ainsi sa durée de vie. « Ça fait moins d’opérations de maintenance pour les professionnels de l’étanchéité », résume le directeur de Cool-Roof France.

« Il y a beaucoup de greenwashing sur le marché du “cool roof” »

« Quand on achète un produit Cool Roof, ce qui est important, c’est de regarder le SRI, c’est-à-dire l’indice de réflectance solaire, explique le directeur de Cool Roof France. Quand celui-ci est au-dessus de 100, il réfléchit suffisamment la lumière. » Le SRI de la peinture de Cool Roof France se situe entre 113 et 115 et ne se dégrade pas avec le temps, selon les derniers tests effectués dans un laboratoire accrédité que nous avons pu consulter. Le SRI des membranes bitumineuses de couleur claires affichées comme « cool roof » vendues par Soprema est, lui, en dessous de 100. Certaines sont même seulement à 59. Les membranes synthétiques, elles, sont un peu mieux notées, certaines ayant un SRI de 109 : « Mais souvent, ce chiffre baisse avec le temps. En plus, ces revêtements sont composés de matières synthétiques qui ne sont pas écoconçues », explique Julien Martin-Cocher qui a fait des tests sur les membranes de Soprema.

« Il y a beaucoup de greenwashing sur le marché du “cool roof”. Il faut se méfier des produits et revêtements blancs ou clairs qui ne sont pas forcément techniques », conclut le directeur de Cool Roof France.

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