RIPOSTE ALIMENTAIRE: pourquoi ce collectif a aspergé « La Joconde »
De : https://reporterre.net/La-Joconde-aspergee-de-soupe-debut-d-une-campagne-contre-l-agro-business
Par Amélie Quentel 31 janvier 2024
Le 29 janvier, deux activistes ont aspergé de soupe la vitrine protégeant « La Joconde », au musée du Louvre à Paris. Une action qui marquait le lancement d’un nouveau collectif, Riposte alimentaire.
Son légendaire regard en biais a-t-il vu les militantes écologistes s’approcher ? Dimanche 28 janvier, sous les yeux médusés des visiteurs du musée du Louvre, à Paris, deux activistes ont aspergé de soupe la vitrine blindée protégeant La Joconde, célébrissime toile de Léonard de Vinci. Les deux femmes arboraient un tee-shirt floqué d’un message énigmatique : « Riposte alimentaire ».
Cette action marquait le lancement d’une « campagne de résistance civile et citoyenne » du même nom, qui désire « impulser un changement radical de système alimentaire » en France. « Qu’est-ce qui est le plus important ? L’art ou le droit à une alimentation saine et durable ? », ont notamment lancé les militantes, qui ont été placées en garde à vue dans la foulée pour « dégradation d’un bien classé ou inscrit ».
Les héritiers de Dernière rénovation
Riposte alimentaire, qui fait partie de Réseau A22 (réseau international qui comprend par exemple le mouvement Just Stop Oil, connu pour avoir aspergé de soupe les Tournesols de Van Gogh en 2022), s’inscrit dans la continuité de Dernière rénovation. Entre avril 2022 et décembre 2023, ce collectif s’est distingué par ses actions spectaculaires (blocages du périphérique par des militants allongés sur la route, jets de peinture sur la façade de ministères…) visant à réclamer la rénovation thermique des bâtiments.
« Nous souhaitons intégrer l’alimentation au régime général de la sécurité sociale »
Devenu Riposte alimentaire, il entend aujourd’hui multiplier les actions de désobéissance civile non-violente afin d’obtenir « une victoire politique et citoyenne dans le champ de l’alimentation ».
Ce dernier est en effet paradigmatique des conséquences sociales et environnementales terribles de nos politiques ultra-libérales, comme l’explique à Reporterre Quentin, membre du collectif. « Ce système est en train de tuer le monde agricole : les paysans et paysannes, dont nous soutenons le mouvement actuel, sont dans une précarité absolument horrible, et le secteur agricole est totalement accaparé par l’agro-industrie, qui détruit nos sols. Dans le même temps, la précarité alimentaire explose : 1 Français sur 3 ne mange pas trois repas par jour faute de moyens. Notre revendication est donc simple : nous souhaitons intégrer l’alimentation au régime général de la sécurité sociale », assure cet ingénieur de 25 ans.
Riposte alimentaire, qui dit réunir 300 à 500 membres aux « profils variés », souhaite ainsi mettre en avant dans le débat public l’idée de Sécurité sociale de l’alimentation (SSA). Porté par un collectif regroupant une quinzaine d’associations à l’échelle nationale, ce projet de SSA, déjà expérimenté au niveau local, ambitionne de créer une « carte vitale de l’alimentation » financée par un système de cotisations.
Le but : permettre à tous les citoyens d’accéder chaque mois à 150 euros de produits conventionnés et sélectionnés démocratiquement selon des critères sociaux et environnementaux. « Une telle initiative s’inscrit pleinement dans le projet de société plus solidaire, plus durable et plus juste que nous souhaitons défendre. Il faut que l’on s’empare collectivement et démocratiquement de ce sujet-là, et que l’État multiplie les expérimentations autour de la SSA », développe Quentin.
Une stratégie clivante assumée
Si le modus operandi de Riposte alimentaire ne devrait pas « changer radicalement » de ce que faisait Dernière rénovation, le militant indique que certaines de leurs futures actions pourraient cibler a priori « plus explicitement les acteurs qui posent problème dans ce secteur-là, comme le monde de l’agrobusiness et de la grande distribution ».
À l’heure où leur stratégie est parfois jugée trop clivante et donc contre-productive (y compris au sein du mouvement climat) dans un contexte d’urgence écologique et sociale, l’activiste estime qu’il s’agit d’être « lucides » sur « ce qui fonctionne objectivement ou non ».
« Nous sommes les premiers à porter un regard critique sur ce que l’on fait. Mais il faut aussi regarder la situation : depuis trente ans, les modes d’action traditionnels n’ont pas empêché la destruction de notre modèle agricole et la mise en place de politiques sociales et environnementales qui nous mènent dans le mur. On nous renvoie toujours à la supposée contre-productivité de nos modes d’action car, au final, cela permet d’éviter d’évoquer les sujets de fond. » Ainsi, Quentin l’assure : « Tant que l’on n’aura pas obtenu des choses, on ne s’arrêtera pas. »
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