Sergueï Lavrov : « Quand ils disent qu’ils « soutiendront l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire », la question est : « nécessaire » pour qui ? Certainement pas pour le peuple ukrainien »
Photo : MFA
Réponses du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov aux questions suite à sa participation au 15e Forum international Sir Bani Yas, Abou Dhabi, le 15 novembre 2024.
Question : Le président russe Vladimir Poutine a eu un entretien téléphonique avec le chancelier allemand Olaf Scholz pour la première fois depuis deux ans. Que pense la partie russe de ces initiatives ? L'Allemagne ou d'autres pays occidentaux peuvent-ils servir d'intermédiaires ?
Sergueï Lavrov : Le Kremlin a déjà fait savoir ce que la partie russe pensait de cette affaire. Un communiqué de presse a été publié. Je n'ai rien à ajouter à ce sujet.
J'ai lu les rapports publiés par la Chancellerie allemande à la suite de cet appel téléphonique. Ils indiquent que le Chancelier a condamné l'agression russe et que l'Allemagne soutiendra l'Ukraine aussi longtemps qu'il le faudra.
C'est ce que disent publiquement les Allemands et les autres membres de l'UE et de l'OTAN. Lorsqu'ils affirment qu'ils soutiendront l'Ukraine aussi longtemps que nécessaire, la question est : nécessaire pour qui ? Certainement pas pour le peuple ukrainien.
Pour rappel, le Kremlin a fourni ses évaluations dans une déclaration détaillée.
Question : Les participants au forum ont-ils été réalistes dans leur évaluation de la situation autour de l’Ukraine cette fois-ci par rapport à l’année dernière ?
Sergueï Lavrov : Je n'ai pas assisté au forum de 2023. C'est mon premier point. J'ai assisté au forum de 2022. Deuxièmement, le forum préfère ne pas rendre publics les détails de son fonctionnement.
Je ne pense pas offenser les participants en disant que la réponse à votre question est positive et qu'il y a beaucoup plus de compréhension et de réalisme.
Question : La presse occidentale véhicule un argument selon lequel la Chine serait mécontente de la coopération trop étroite entre la Russie et la RPDC, ce qui pourrait compliquer les relations russo-chinoises. Est-ce que vous le sentez ou s'agit-il simplement d'un mensonge ? Si oui, quel est l'objectif ?
Sergueï Lavrov : Je n'ai aucun moyen de savoir ce qui se cache derrière tout cela et quels sont leurs calculs, mais il est impossible de créer un fossé entre la Russie et la Chine. Nous n'avons reçu aucun message concernant nos relations avec la RPDC.
Nous tenons des consultations régulières avec nos collègues chinois concernant la coordination de nos actions face aux problèmes créés par les Américains et leurs alliés sur et autour de la péninsule coréenne. C'est tout ce que je peux partager avec vous. Nous entretenons un dialogue très positif sur ce sujet.
Qu'est-ce qui se cache derrière tout cela ? Les cercles de science politique occidentaux spéculent qu'il faudrait clore le dossier ukrainien, faire une concession à la Russie sur certaines de ses revendications légitimes et l'utiliser ensuite comme élément d'une coalition contre la Chine. C'est un calcul simple. C'est la même vieille approche : « Nous ne sommes pas favorables au travail d'équipe, nous cherchons à diviser et à essayer de dominer. » Ces tentatives poursuivent des objectifs tout à fait fâcheux.
Question : Les appels se multiplient de la part des pays de l'UE et de l'OTAN en faveur d'un dialogue à différents niveaux avec Moscou, ou du moins d'une prise de contact avec ce dernier, alors qu'il n'y a pas si longtemps, ils affirmaient qu'il n'y aurait jamais de dialogue. Qu'est-ce qui se cache derrière cette tendance et ce changement de discours ?
Sergueï Lavrov : Cela signifie qu’ils ne sont probablement pas totalement perdus en tant que politiciens.
Question : Donald Trump a promis de « travailler très dur » pour régler les conflits au Moyen-Orient et en Ukraine. Avez-vous une idée de la manière dont il compte y parvenir ?
Sergueï Lavrov : Je n’en ai aucune idée. Nous attendons leurs propositions. Quand on nous interroge à ce sujet, nous soulignons toujours que, de toute façon, les hommes politiques qui disent être pour la paix plutôt que pour la guerre méritent d’être pris en considération. Mais nous n’avons aucune idée de ce qu’ils vont proposer exactement.
Notre position a été clairement exprimée par le président Vladimir Poutine lors de son discours au ministère russe des Affaires étrangères le 14 juin.
Question : Une base de défense antimissile américaine a été ouverte en Pologne, à 165 kilomètres de la frontière russe. Lors de l'inauguration, le président Andrzej Duda a déclaré qu'il était initialement prévu de l'utiliser pour repousser une éventuelle attaque de l'Iran. Mais il a maintenant fièrement déclaré que l'ouverture d'une base américaine en Pologne montre que la Russie a perdu son influence dans ce pays. Que pouvez-vous dire à ce sujet et quelle pourrait être la réponse ?
Sergueï Lavrov : Nos estimations faites il y a 10 ou 15 ans se confirment. Lorsque les Américains se sont retirés du traité ABM, ils ont déclaré qu'ils déploieraient leurs positions dans les pays européens dans le seul but de se défendre contre l'Iran et la République populaire démocratique de Corée.
Nous avons analysé leurs plans et leur apparence et nous avons immédiatement constaté qu'il ne s'agissait pas d'un problème iranien, mais d'une tentative de créer des avantages unilatéraux dans une confrontation avec notre pays, d'accroître les tensions et de mener une politique de confinement de la Russie. Toutes nos appréciations se sont avérées exactes.
J'aime le fait que vous posiez des questions parfaites où chacune contient une réponse.
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