Robert Badinter : le léopard meurt avec ses taches
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Emmanuel Macron est content. Avec l’entrée de Robert Badinter au Panthéon, il réalise le genre de « coup » dont il a l’habitude. Qui a ses yeux présente un triple avantage, d’abord de permettre une diversion dans l’effarante crise politique qu’il s’est acharné à créer. Et pour cela quoi de mieux que de bâtir un faux consensus républicain autour d’une personnalité que l’on présente comme « incontestable ». Ensuite de parader dans une de ces mises en scène dont il raffole. Et enfin, sans crainte de la contradiction, de flatter le communautarisme au nom de l’universalisme républicain.
Mais qu’attendre de ce personnage, dont le programme de destruction du pays qui lui a été confié par ceux qui l’ont installé au pouvoir, implique d’en galvauder les éléments symboliques. Avec Simone et Antoine Veil, Maurice Genevoix, Joséphine Baker, Missak et Mélinée Manouchian, et Robert Badinter, nous en sommes déjà à huit personnes pour six occurrences, en attendant l’entrée, ô combien justifiée, du grand Marc Bloch l’historien résistant exécuté par la Gestapo, prévue en juin 2026. La priorité donnée à Robert Badinter disparu il y a tout juste un peu plus d’un an sur celle de Marc Bloch caractérise les manipulations politiciennes dont Macron est coutumier. De l’entrée d’une icône républicaine au Panthéon, acte solennel de mémoire nationale républicaine, il a fait un événement politicien et mondain. La priorité donnée à Robert Badinter suffit à le démontrer.
Sous la présidence de Charles De Gaulle, pendant 11 ans, il y eut une seule panthéonisation : Jean Moulin le 19 décembre 1964. Une entrée solennelle du héros de la résistance et symbole de l’unité nationale, accompagné par le sublime discours d’André Malraux. Cette référence suffit à donner la mesure du sens de l’entrée au Panthéon. Et montre l’écart vertigineux entre ce que doit être la république française et ce qu’en fait le narcisse élyséen.
élyséen.
Badinter au Panthéon ?
Pour Macron, Robert Badinter avait sa place au Panthéon, non pour ses mérites et sa place dans l’Histoire de France, mais parce que cela lui permettait de se livrer à sa petite opération. Qu’attendre en effet d’un personnage qui n’a rien trouvé de mieux il y a 15 jours d’aller à New York recevoir son prix de « leader globaliste de l’année », décerné par l’organisation américaine « Atlantic council » et remis par l’oligarque Larry Fink patron de BlackRock venu récompenser un de ses domestiques.
La cérémonie du Panthéon a donné lieu à l’expression des mêmes spasmes d’adoration pour le personnage Badinter, que ceux que l’on avait entendus lors de sa disparition, mais cette fois-ci, et pas seulement sur les réseaux d’autres paroles se sont exprimées mettant en cause ce choix. Les critiques portant d’ailleurs essentiellement sur le rôle qu’on lui prêtait d’être le père de la « justice laxiste » qui exaspère les couches populaires. Le tout accompagné des mensonges habituels. Comme la soi-disant dépénalisation de l’homosexualité en 1982 à son initiative, alors que celle-ci été décidée par la Révolution française en 1791. Ou son intronisation comme grand défenseur de l’universalité et de la laïcité républicaine alors qu’il fut un des piliers de la construction du communautarisme juif que nous connaissons aujourd’hui.
Un jugement univoque pour une vie de 95 ans, ne veut pas dire grand-chose sur l’homme mais plutôt sur celui qui l’émet. Alors on va, en réactivant pas mal de souvenirs, se permettre quelques observations.
Robert Badinter fut un grand avocat. C’est à ce titre qu’il se lança dans le combat contre la peine de mort. Qu’il mena courageusement. Devant la cour d’assises de Troyes, il avait défendu Roger Bontemps, un homme qui finit sous l’échafaud. Exécution à laquelle il assista, accompagnant le condamné jusqu’au bout. Le procureur qui avait obtenu sa tête se fit courageusement porter pâle. Cette épreuve le marqua à jamais.
Il accepta par la suite de défendre Patrick Henry, qui avait enlevé un enfant pour obtenir une rançon puis l’avait étranglé. La France entière était persuadée que la peine de mort était inévitable. Avec la foule qui hurlait à la mort. Robert Badinter revint devant la même Cour qui avait décidé de couper Bontemps en deux. Le même procureur requit à nouveau le même châtiment suprême.
Alors un Badinter seul et habité se leva et sortit Patrick Henry de sous le couteau.
Jeune avocat, je me suis toujours rappelé le moment où bouleversé j’appris cette victoire. Sur la mort et sur la meute.
Par la suite Badinter se lança dans une croisade judiciaire qui l’amena aux quatre coins de la France où il réussit, un par un à sauver ceux qui était promis à un châtiment dont la France n’arrivait pas à se débarrasser.
L’abolition légale, c’est François Mitterrand qui l’a voulue, en en faisant un élément de son programme présidentiel, alors qu’il savait les Français opposés. Pour ce geste là au moins, respect à lui. Le discours de Badinter à l’Assemblée nationale relevait d’une cérémonie symbolique.
Mais il y eut ensuite l’homme politique Badinter, garde des Sceaux, président du Conseil constitutionnel, sénateur socialiste, il passa son existence à défendre les intérêts de la grande bourgeoisie à laquelle il appartenait. Se plaçant systématiquement du côté de sa classe, il s’opposera toujours vigoureusement aux mesures sociales et politiques venues de la gauche. Il sera aussi l’artisan déterminé du dévoiement du Conseil constitutionnel transformé en véritable siège du pouvoir législatif dans notre pays au détriment de la souveraineté du Parlement. Fait incontestable, puisqu’il le revendiquera. Parmi les exemples de son aversion pour les couches populaires pensons à ses prises de position venimeuses au moment de la crise des gilets jaunes, accompagnées d'appel à la répression. N’hésitant pas non plus parfois, devant des solidarités communautaires, comme celle très déplaisante vis-à-vis de Dominique Strauss-Kahn au moment de l’affaire du Sofitel de New York.
Robert Badinter ne fut pas le saint laïque que l’on nous présente aujourd’hui. Mais il fut un grand avocat engageant sa vie pour une cause qui a sa place dans l’histoire de France.
Et qui justifie par conséquent la sienne au Panthéon.
Pour le reste, on sait bien que le léopard meurt avec ses taches.
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