Comment des dictatures ont manqué d’être installées dans l’Extrême-Orient pro-US

 De : https://www.voltairenet.org/article221586.html

La tentative de renversement de la démocratie par le président sud-coréen, le 3 décembre, n’est pas un acte improvisé, ni isolé. Elle doit être évaluée en relation avec la bagarre qui s’est déroulée au parlement de Taïwan, en mai, et surtout avec la désignation, au Japon, d’un Premier ministre militariste et négationniste. Comme en Ukraine et en Israël, les nostalgiques de la Seconde Guerre mondiale ont tenté un coup de force.


Les forces spéciales empêchent l’accès au parlement sud-coréen, y compris aux parlementaires, le 3 décembre 2024. 

Plus de trois mois à l’avance, Kim Min-seok, révèle que le président de la République prépare la loi martiale.

Le 21 août 2024, un parlementaire sud-coréen, Kim Min-seok, président du Parti démocratique (centre gauche) annonçait que des membres du gouvernement préparaient l’instauration de la loi martiale. Vu que cet homme avait un parcours politique sinueux et avait été condamné pour corruption, le public a interprété ses prétendues révélations comme un moyen de faire le buzz. Il a donc été qualifié de « complotiste » tandis que ses amis ont déploré qu’il soit tombé si bas.

L’accusation était en effet un peu grosse. La démocratie n’est apparue en Corée du Sud qu’en 1980, après le massacre de Gwangju, au cours duquel des milliers de personnes furent assassinées par la dictature durant neuf jours. Aussi évoquer une « loi martiale » réveillait de terribles souvenirs.

Le président Yoon Suk Yeol annonce la loi martiale.

Pourtant, le 3 décembre, vers 22 heures, tous les médias audio-visuels étaient prévenus que le président de la République, Yoon Suk Yeol, allait s’adresser exceptionnellement à la nation. À 22h25 toutes les chaînes de radio et de télévision retransmettaient en direct son allocution. Il assurait que l’opposition travaillait avec les communistes nord-coréens. À la quatrième minute, il déclarait : « Chers citoyens, je proclame la loi martiale pour protéger la République de Corée des menaces communistes de la Corée du Nord et des factions anti-États pro-nord sapant notre liberté et notre ordre constitutionnel. »

Selon Kim Min-seok, le complot était ourdi par quatre militaires, anciens élèves de l’école des hautes études de Chungam : le président de la République, Yoon Suk Yeol ; le chef de sa garde personnelle promut en août ministre de la Défense, le général Kim Yong-hyun ; Lee Sang-min, ministre de l’Intérieur ; et Yeo-hyung, directeur du contre-espionnage. Enfin des élèves de la 11e classe de l’Académie militaire coréenne auraient formé un second cercle du complot.

La loi martiale a été mise en œuvre par le général Kim Yong-hyun (ministre de la Défense) commandant de la 38° armée ; le général Park Ann-soo (chef d’état-major des armées) commandant de la 46° armée ; le général Kwak Jong-geun (responsable des Forces spéciales) commandant de la 47° armée ; et enfin le général Lee Jin-woo (gouverneur militaire de la capitale) commandant la 48° armée. Les éléments des forces martiales mobilisées ont été la 707e brigade des forces spéciales, la 1re brigade des forces spéciales aéroportées et la police militaire sous la direction des forces spéciales.

Les Sud-coréens ont immédiatement compris que c’était le retour de la dictature. Ils ont pris d’assaut les commerces ouverts la nuit et les boutiques en ligne pour accumuler des provisions alimentaires.

À 23 heures, le président de l’Assemblée nationale, Woo Won-shik, convoqua les parlementaires sans attendre, déclarant sur les réseaux sociaux : « Tous les membres de l’Assemblée nationale doivent se réunir immédiatement dans la salle plénière. » La constitution donne en effet à l’Assemblée le pouvoir d’abroger la loi martiale. Mais déjà les Forces spéciales avaient envahi le bâtiment et fermé ses portes, tandis qu’une interdiction générale des activités politiques, y compris des manifestations et des activités des partis politiques avait été prononcée. Simultanément une autre unité des Forces spéciales avait envahi les bureaux de la Commission électorale, saisi les téléphones portables du personnel et fermé les issues.

Maître Lee Jae-myung, président du Parti démocratique et principale figure de l’opposition, escalade le mur d’enceinte du Parlement. Cet avocat avait été victime d’une grave tentative d’assassinat, le 2 janvier. La vidéo de ce vieil homme malade, bravant les Forces spéciales pour voter l’abrogation de la loi martiale, a été vue 2,38 millions de fois durant la soirée.

Alors qu’une foule s’amassait devant le Parlement, des députés escaladaient les grilles pour abroger la loi martiale. Vers 1 heure du matin, 190 députés sur 300 votaient à l’unanimité l’abrogation de la loi martiale. Les Forces spéciales quittaient le bâtiment. Il a fallu attendre cependant 4h20 pour que le gouvernement se réunisse nuitamment et lève la loi. La dictature n’avait vécu que six heures.

Pour comprendre ce qui s’est passé à Séoul, il faut se souvenir que le président de la République, Yoon Suk Yeol, n’est pas seulement un ancien procureur qui a lutté contre la corruption, mais aussi un nostalgique du militarisme impérial nippon. Fin novembre, il n’a pas soutenu son ambassadeur à Tokyo lorsque celui-ci a célébré, seul, la mémoire des esclaves coréens exploités durant la Seconde Guerre mondiale par Mitsubishi dans les mines d’or et d’argent de l’île de Sado [1].

Il faut alors faire le parallèle avec les évènements survenus en mai dernier à Taïwan. Lors de l’intronisation du nouveau président de la République, Lai Ching-te, le Yuan législatif (Parlement) a tenté de modifier la Constitution afin de prévenir chez eux ce qui vient d’advenir en Corée du Sud. Mais les huit députés du parti présidentiel y ont fait obstacle en agressant physiquement leurs collègues, en blessant cinq.

C’est que Lai Ching-te n’a pas été élu pour ses engagements en matière de politique étrangère, mais pour ses conceptions économiques [2]. Lui aussi est un nostalgique de la Seconde Guerre mondiale : alors que le Kuomintang, le parti de Tchang Kaï-chek, fait officiellement campagne pour la réunification de la Chine, il souhaite au contraire reprendre la guerre civile. Il représente l’infime fraction des Taïwanais qui refusent toujours la victoire de Mao Zedong (1893-1976). Lors de son intronisation, il a déclaré : « J’espère que la Chine fera face à la réalité de l’existence [de Taïwan] [et] respectera les choix du peuple de Taïwan. Face aux nombreuses menaces et tentatives d’infiltration en provenance de Chine, nous devons démontrer notre détermination à
défendre notre nation » ; une position qui viole l’accord sur l’unité de la Chine

Les services secrets taïwanais abritent toujours la très secrète « Ligue anticommuniste mondiale » [3], renommée en 1990 « Ligue mondiale pour la liberté et la démocratie », créée durant la Guerre froide par le généralissime Tchang Kaï-chek et le chef des nationalistes intégraux ukrainiens Iaroslav Stetsko (ancien Premier ministre nazi). Elle est aujourd’hui présidée par un ancien secrétaire général du Kuomintang, Tseng Yung-chuan, et toujours financée par le bureau de la Sécurité nationale. La ligue asiatique est présidée par le diplomate Zeng Yongquan, ancien secrétaire général du gouvernement de Taïwan.

Nul ne sait comment ce système fonctionne aujourd’hui. Cependant un coin du voile a été levé lors de l’assassinat du Premier ministre japonais, Shinzo Abe, en juillet 2022. Malgré la tentative d’étouffer le scandale, la presse japonaise laissait fuiter qu’il avait été tué par un homme ruiné lui reprochant d’avoir encaissé des sommes astronomiques de l’Église de l’unification (dite « secte Moon »). Six mois plus tard, il apparaissait qu’un groupe de parlementaires du Parti libéral démocrate avait encaissé plus d’un demi-milliard de dollars de pots-de-vin [4].

La majorité des parlementaires libéraux-démocrates sont issus de dynasties héréditaires. Ils sont organisés en faction et non pas autour de programmes. Ce parti avait été créé par les États-Unis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale afin de recycler des criminels de guerre qui n’avaient pas été jugés par le Tribunal de Tokyo. Il a toujours gouverné le Japon depuis 67 ans (à l’exception de deux courtes périodes n’excédant pas au total 4 ans).

Depuis le 1° octobre, Shigeru Ishiba est devenu Premier ministre japonais. C’est un militariste fanatique [5]. Il a révisé des ouvrages historiques traitant du sanctuaire Yasukuni où reposent les principaux criminels de guerre japonais. Il a concilié l’honneur de ces militaristes avec l’histoire de la Chine et de la Corée. Il semble ne s’être jamais rendu dans ce sanctuaire controversé. C’est un gunji otaku, c’est-à-dire un collectionneur de souvenirs militaires et lui-même militariste, quoique veillant à ne pas insulter ses interlocuteurs étrangers. Selon lui, la dernière guerre a été menée pour la « juste cause » de libérer l’Asie de la domination blanche, et la plupart des crimes de guerre signalés en Chine, en Corée du Sud et en Asie du Sud-Est sont des « complots visant à dénigrer le Japon ». En outre, il a déclaré que le gouvernement et l’armée de l’époque devraient être tenus pour strictement responsables du déclenchement d’une guerre impossible à gagner.

Nous sommes donc face à un retour de la faction extrême-orientale de l’Axe Rome-Berlin-Tokyo.

Nous n’avons rien fait lorsque les nationalistes intégraux sont revenus au pouvoir en Ukraine. Nous avons aujourd’hui une guerre chez eux.
Nous n’avons rien fait lorsque les sionistes révisionnistes sont revenus au pouvoir en Israël. Nous avons aujourd’hui une guerre à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, en Syrie, en Iraq et au Yémen.
Réagirons-nous au retour des militaristes japonais au pouvoir à Taïwan, en Corée du Sud et au Japon ?

 

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