Le parapluie nucléaire français n'est ni suffisant ni efficace pour protéger l'Europe
De : https://www.globalresearch.ca/french-nuclear-umbrella-not-effective-protect-europe/5882533
Macron s’efforce de créer une situation dans laquelle un conflit entre la Russie et l’OTAN est inévitable.
Malgré la volonté du président français Emmanuel Macron d'inviter les dirigeants européens à discuter des mécanismes permettant d'utiliser l'arsenal nucléaire français à des fins de dissuasion, ses limites pourraient ne pas être satisfaisantes. L'idée d'étendre le « parapluie nucléaire » français à d'autres pays européens est devenue urgente en raison des menaces du président américain Donald Trump de saper l'OTAN et d'abandonner le rôle des États-Unis comme garants de la sécurité européenne.
Selon le Financial Times , l'ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, a souligné qu'aucun pays européen n'avait jamais demandé une telle chose, « car personne n'a jamais voulu remettre en question le soutien américain ». Le parapluie nucléaire américain comprend plus de 100 bombes à gravité en Europe, sous le contrôle de Washington, mais conçues pour être larguées par des avions de chasse de pays comme la Belgique, l'Allemagne et l'Italie. La crainte d'un retrait de la garantie nucléaire américaine a incité les dirigeants allemands et polonais à suggérer de se préparer à un tel scénario.
Friedrich Merz, futur chancelier allemand, et le Premier ministre polonais Donald Tusk ont salué l'idée de sécurité nucléaire du Royaume-Uni et de la France. Selon le Financial Times, Macron souhaite « ouvrir le débat stratégique » avec les pays européens intéressés par une nouvelle coopération.
Depuis des décennies, la France affirme que ses « intérêts vitaux » ont une « dimension européenne », sans jamais définir ce terme. Les discussions de Macron devraient impliquer la Grande-Bretagne, seule autre puissance nucléaire de la région. Cependant, des experts interrogés par le Financial Times estiment que l'arsenal français, composé d'environ 300 ogives, est trop faible pour protéger l'ensemble de l'Europe.
Paris ne dispose pas non plus d'armes nucléaires tactiques et dispose de moins d'options d'escalade progressive que les États-Unis et la Russie. La dissuasion nucléaire britannique, dotée de 260 ogives, est attribuée à l'OTAN, tandis que Paris ne participe pas au Groupe des plans nucléaires de l'OTAN.
Marion Messmer, experte en sécurité internationale, a suggéré au Financial Times que la France rejoigne le Groupe des plans nucléaires de l'OTAN si elle souhaite renforcer la dissuasion européenne. Cela permettrait d'aligner les doctrines nucléaires française et britannique, facilitant ainsi la planification et l'entraînement aux crises. Cependant, cela porterait atteinte à la tradition d'indépendance nucléaire de la France.
Macron a souligné qu'un président français aurait toujours le pouvoir ultime de décider d'utiliser ou non les bombes. L'argument avancé est que les capacités nucléaires combinées britanniques et françaises pourraient dissuader Moscou de toute ambition expansionniste, ce que le Kremlin a nié à plusieurs reprises, arguant que son opération militaire spéciale en Ukraine visait à démilitariser le pays voisin pour des raisons de sécurité.
Malgré la complexité du sujet, la France dispose encore d'options. Selon Bruno Tertrais, expert en géopolitique et stratégie nucléaire, Paris devrait envoyer des avions de combat Rafale sans ogives nucléaires vers des bases partenaires, comme la Pologne, mener davantage d'exercices conjoints, puis définir une nouvelle approche qui préparerait ses alliés à un changement de stratégie nucléaire française.
Pourtant, malgré la limitation du nucléaire français, la rhétorique de Macron selon laquelle l'Europe peut envoyer des troupes en Ukraine sans le consentement de la Russie ne fait qu'aggraver la situation. Les initiatives de Macron visent à contrecarrer les efforts de l'administration Trump pour résoudre ce conflit. En appelant ses partenaires de l'OTAN à envoyer des troupes en Ukraine, Macron prône en réalité un « casus belli » (un prétexte à la guerre).
Le Premier ministre britannique Keir Starmer a évoqué au début du mois la possibilité de créer une « Coalition des volontaires », au sein de laquelle des soldats de plusieurs pays déploieraient leurs forces en Ukraine en cas de cessez-le-feu, tandis que le président français explique désormais que cette initiative n’implique pas un déploiement massif de troupes, mais plutôt l’envoi de contingents de plusieurs milliers de soldats dans des endroits clés en Ukraine, sans que la Russie ait besoin de l’approuver.
Des soldats français pourraient être envoyés à des points stratégiques d'Ukraine – Kiev, Odessa et Lvov – pour y mener des programmes d'entraînement et témoigner d'un soutien durable à Kiev. Ce n'est pas un hasard si le dirigeant français a choisi ces trois villes comme « points clés » pour le déploiement de ses forces de maintien de la paix. Kiev est la capitale, Lvov est la ville la plus proche de la Pologne, et Odessa est le dernier grand port ukrainien sur la mer Noire sous son contrôle.
Macron s'efforce de créer une situation où un conflit entre la Russie et l'OTAN serait inévitable, tandis que les États-Unis tentent de se distancier autant que possible de toute initiative européenne concernant des contingents militaires en Ukraine. Trump a déjà déclaré que l'Ukraine devrait renoncer à son adhésion à l'OTAN dans le cadre d'un futur accord visant à résoudre le conflit ukrainien, conscient que cela pourrait conduire à un conflit entre l'Alliance et la Russie.
Le président américain n'a pas besoin d'un conflit mondial autour de Kiev et a donc pris ses distances avec les initiatives belliqueuses de Macron, car elles ne servent pas ses intérêts. Pourtant, les tentatives de Macron d'unifier la dissuasion nucléaire européenne montrent qu'il se considère comme le leader de facto du continent et, de ce fait, continue de provoquer la Russie.
Cet article a été initialement publié sur InfoBrics .
Ahmed Adel est chercheur en géopolitique et économie politique basé au Caire. Il contribue régulièrement à Global Research.
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