2005-2025 : 20 ans de trahison démocratique
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Nous allons bientôt fêter, le 29 mai prochain, les 20 ans du « NON » des Français à une certaine Europe. En effet, c’est en cette journée historique du 29 mai 2005 que les Français ont rejeté le Traité constitutionnel européen (TCE), avec 54,67 % de votes « NON » au référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe. Le scrutin, marqué par une forte participation (69,34 %), reflète l’inquiétude des Français face à une intégration européenne qui nie purement et simplement la souveraineté française. Cependant, le 14 février 2008, le Traité de Lisbonne, largement inspiré de la Constitution rejetée 3 ans plus tôt, est adopté par voie parlementaire sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy. Cette violation du vote démocratique des Français en 2008 sonne le glas de la démocratie en France et signe, définitivement pour lors, le divorce entre les dirigeants politiques et les citoyens français.
mise à jour le 27/05/25
Le discours prémonitoire de Philippe Séguin
Treize ans avant le référendum du 29 mai 2005, le 5 mai 1992, Philippe Séguin, député gaulliste, prononça un discours désormais célèbre à l’Assemblée nationale. Face au projet de loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht, il défendit avec ferveur une exception d’irrecevabilité, alertant sur les dangers d’une intégration européenne menaçant la souveraineté nationale et la démocratie. Véritablement visionnaire, celui qui deviendra en 2004 le Premier président de la Cour des comptes, annonçait qu’une construction européenne qui se faisait sans et contre les peuples posait un problème fondamental.
Dans son discours, Séguin affirme que la souveraineté nationale, fondement de la République depuis 1789, est « inaliénable et imprescriptible ». Il argue que le traité de Maastricht, en transférant des compétences clés (notamment monétaires) à des instances supranationales, viole ce principe sacré. Pour lui, déléguer ainsi le pouvoir du peuple à des organes non élus, comme la Commission européenne, équivaut à une abdication démocratique : « Mon irrecevabilité se fonde sur le fait que le projet de loi viole, de façon flagrante, le principe en vertu duquel la souveraineté nationale est inaliénable et imprescriptible, ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs, en dehors duquel une société doit être considérée comme dépourvue de Constitution ».
Une Europe construite sans les peuples
Avec une lucidité saisissante, Séguin dénonce un processus européen opaque, mené « en catimini » depuis le traité de Rome de 1957. Il critique une élite d’experts, de juges et de technocrates qui impose des décisions sans mandat populaire, dans « le secret des cabinets », « la pénombre des commissions et dans le clair-obscur des cours de Justice ».
En conséquence, pour que ce projet, qui n’est ni plus ni moins qu’un projet fédéraliste, soit plus transparent, Séguin insiste ensuite sur la nécessité de consulter le peuple directement via un référendum, arguant que « ce que le peuple fait, seul le peuple peut le défaire ». Il regrette le recours à la voie parlementaire, qu’il juge contraire à l’esprit du pacte républicain, et dénonce les « habiletés tactiques » visant à contourner la volonté populaire. Cette défense du référendum comme outil de légitimité démocratique annonce déjà les débats de 2005.
Le député gaulliste rejette l’idée d’une Europe fédérale telle que portée par Maastricht, qu’il qualifie d’« anti-1789 », pour son mépris des principes révolutionnaires de liberté et de justice. De la bouche même du député : « L’Europe qu’on nous propose n’est ni libre, ni juste, ni efficace. Elle enterre la conception de la souveraineté nationale et les grands principes issus de la Révolution : 1992 est littéralement l’anti-1789. Beau cadeau d’anniversaire que lui font, pour ses 200 ans, les pharisiens de cette République qu’ils encensent dans leurs discours et risquent de ruiner par leurs actes ! ». Force est de constater en 2025 que l’ex-ministre des Affaires sociales et de l’Emploi avait raison sur toute la ligne. En outre, Séguin affirme que la nation n’est pas une simple structure administrative, mais une réalité affective et spirituelle, fruit d’une « mystérieuse métamorphose » liant un peuple en un destin commun. Il défend une France ouverte à l’Europe, mais refuse qu’elle se dissolve dans un projet exclusivement européen, soulignant son rôle mondial, notamment via la francophonie. Cette conception de la nation comme rempart contre l’uniformisation résonnera dans les craintes exprimées par les électeurs en 2005. Enfin, Séguin alerte sur le caractère irréversible des engagements de Maastricht, notamment la monnaie unique. Il prédit qu’une fois le « piège refermé », aucun retour en arrière ne sera possible, même face à des crises futures. Cette prophétie trouve un écho dans les débats post-2005, quand le traité de Lisbonne, adopté malgré le « Non » populaire, confirmera pour beaucoup l’idée d’une Europe imposée contre la volonté des peuples.
Ce discours de Philippe Séguin, qui devrait être étudié et décortiqué
dans tous les écoles de science politique, pose les jalons intellectuels
et politiques du rejet du TCE en 2005. En alertant sur la menace pesant
sur la souveraineté, la démocratie et l’idée même de nation, il
anticipe le divorce entre les Français et leurs élites. Ce plaidoyer
vibrant, salué par 101 députés, reste une boussole pour comprendre les
racines de la défiance envers l’intégration européenne.
Les Médias mainstream et les partis traditionnels tous en faveur du « Oui »
Dans son documentaire diffusé sur France 3 et intitulé « Quand les Français ont dit non à l’Europe » (2017, Dreamway Productions, voir ci-dessous), Élizabeth Drevillon retrace le référendum du 29 mai 2005, où 54,67% des Français, avec une participation de 69,34%, ont rejeté le TCE. À travers des archives, des témoignages et une analyse lucide, ce film de 53 minutes explore les causes et les conséquences de ce « Non » retentissant, qui a révélé une fracture profonde entre les citoyens et les élites. En écho aux mises en garde de Philippe Séguin en 1992 contre une Europe technocratique, il montre comment ce vote, suivi par l’adoption du traité de Lisbonne en 2008, a fracturé le contrat social.
Tout d’abord, l’on perçoit clairement dans le documentaire que la campagne référendaire de 2005 repose sur un combat très inégal. Les partisans du « Oui » bénéficient du soutien politique et financier des deux grands partis traditionnels, UMP (ancêtre du parti LR) et PS ainsi que de l’UDF. Nicolas Sarkozy et François Hollande, que tout devrait en principe opposer, sont tous les deux favorables au Traité. Cette convergence des LR et du PS préfigure cette critique d’un « parti unique » UMPS qui sera torpillé par Macron en 2017 et dont les membres ne se relèveront jamais vraiment. De surcroît, la presse qui devait a priori être divisée sur cette question, est au contraire une presse majoritairement favorable au TCE. En effet, 71% des interventions télévisées entre janvier et mars 2005 prônaient le « Oui ».
En revanche, les défenseurs du « Non », qu’ils soient souverainistes (Philippe de Villiers, Jean-Pierre Chevènement), lepénistes, ou qu’il s’agisse de dissidents socialistes comme Laurent Fabius ou Jean-Luc Mélenchon, sont marginalisés, souvent absents des plateaux télévisés. Malgré ce déséquilibre, le documentaire montre comment les citoyens, via des débats citoyens, du tractage, des discussions et une mobilisation sur Internet, renversent la tendance, faisant triompher le « Non ».
À travers des témoignages d’électeurs et d’observateurs, le film décortique les motivations du « Non ». Pour beaucoup, le TCE incarne une Europe libérale, menaçant les services publics et le modèle social français. La peur du « plombier polonais », symbole d’une concurrence déloyale, et les craintes liées à l’élargissement de l’UE, notamment à la Turquie, cristallisent les inquiétudes. Le documentaire souligne que ce vote, loin d’être un simple rejet populiste, exprime un attachement à la souveraineté nationale et une défiance envers une Europe perçue comme autoritaire, prolongeant les alertes de Séguin sur la perte de contrôle démocratique.
Le film met en lumière la réaction
des élites après le 29 mai 2005. Les Français ayant voté « Non » sont
qualifiés de « populistes », de « poujadistes » ou d’« analphabètes »
par certains médias et responsables politiques. Des éditoriaux, comme
celui de Serge July dans Libération (« Chef-d’œuvre de masochisme », 30
mai 2005), traduisent un mépris pour le choix populaire. Ces jugements,
illustrés par des extraits d’émissions et d’articles, accentuent le
sentiment d’humiliation des électeurs, renforçant leur méfiance envers
les institutions. Le documentaire consacre une part importante à
l’adoption du traité de Lisbonne en 2008, sous la présidence de Nicolas
Sarkozy. Qualifié de véritable « copie conforme » du TCE de la bouche
même de Valéry Giscard d’Estaing, ce traité est ratifié par voie
parlementaire le 14 février 2008, après une révision constitutionnelle
au Congrès de Versailles. Le film montre comment cette décision,
soutenue par une majorité de députés de droite et socialistes, est
perçue comme une trahison du vote de 2005. Des images d’archives et des
interviews soulignent l’indignation populaire face à ce contournement,
qui alimente la fracture démocratique. Enfin, le documentaire retrace
les répercussions du référendum jusqu’à la fin du quinquennat de
François Hollande en 2017. Il argue que le mépris de la parole citoyenne
a creusé un fossé entre la « France d’en haut » (élites politiques et
médiatiques) et la « France d’en bas » (classes populaires et moyennes).
Ce divorce, illustré par la montée du Front national – passé de 15 %
des voix en 2002 à un doublement de son score en une décennie –, est
présenté comme une conséquence directe de l’autisme politique post-2005.
Le film conclut que le « Non » de 2005, loin d’être un simple épisode, a
marqué un tournant dans la défiance populaire envers l’Europe et les
institutions nationales.
La France est devenue une oligarchie ploutocratique
Depuis 2008 et en particulier à partir de 2017, début du premier mandat d’Emmanuel Macron, la France n’a plus que les apparences institutionnelles de la démocratie représentative : Assemblée nationale, Sénat, Conseil d’État, Conseil constitutionnel, syndicats ; mais le pouvoir a perdu l’âme de la démocratie, à savoir sa capacité d’écoute et de compréhension des attentes du peuple. Tous les outils démocratiques sont encore présents pour assurer techniquement des contre-pouvoirs mais force est de constater que cela ne fonctionne plus. De la crise des Gilets Jaunes au Covid, en passant par la réforme des retraites : les lois les plus liberticides ont été adoptées sans opposition véritable et lorsque par exception les députés de l’opposition osent s’opposer au bon vouloir du gouvernement, il y a toujours l’article 49 alinéa 3 pour passer en force. Le Sénat refuse très rarement les lois proposées par le gouvernement et le Conseil constitutionnel ne marque son opposition que devant une loi immigration jugée un peu trop à droite.
Et si les outils constitutionnels ne suffisent pas, le gouvernement n’hésite pas à employer des CRS pour éborgner les manifestants les plus indociles avec des flash-ball et les frapper à la matraque afin de décourager les autres. La répression et le mépris continus du peuple mais aussi l’absence totale de référendum depuis celui du 29 mai 2005 a eu deux conséquences : l’augmentation de l’abstention à chaque élection présidentielle et en parallèle, la nette augmentation du vote en faveur du Rassemblement National. Beaucoup d’abstentionnistes considèrent que quel que soit le parti pour lequel on vote, le système triomphe toujours, à l’instar de cette réplique fameuse de Coluche : « Si voter changeait quelque chose, il y a longtemps que ça serait interdit ». Mais d’autres n’abandonnent pas et espèrent toujours voir une femme, Marine Le Pen, accéder enfin à la fonction suprême et agir sur la souveraineté nationale, l’immigration et le pouvoir d’achat. Cependant, il suffit de se référer aux dernières élections législatives pour voir que la machine démocratique est complètement enrayée. Au premier tour, le RN arrive en tête et face à ce résultat « horrifiant » qui représente « une menace existentielle pour notre État de droit », tous les partis de gauche se rejoignent dans une alliance de circonstance, la NUPES. Ces partis de gauche n’hésitent d’ailleurs pas à s’allier avec les macronistes et certains LR, qu’ils conspuent pourtant tout le reste du temps, afin de faire barrage à la « bête immonde » ! Et, ô surprise, l’alliance de gauche arrive en tête des élections. Les électeurs et candidats de gauche, au comble du bonheur, s’imaginent déjà envoyer leur favorite, Lucie Castets, à Matignon, afin d’obliger l’exécutif à faire des concessions voire à annuler sa réforme des retraites. Mais c’est compter sans la stratégie du président de la République qui décide, contre toute attente, de ne pas tenir compte du résultat du vote et de choisir un représentant d’un parti minoritaire à l’Assemblée nationale, Les Républicains, pour former un gouvernement.
Et malgré tout cela, les chroniqueurs joutent toujours sur les plateaux télés, les journalistes écrivent encore des éditos flamboyants, et les politiques continuent de mobiliser leurs militants et leurs base électorale… La Commedia dell’arte perdure mais les Français en sont les éternels cocus, eux qui pensent pouvoir jouer sur le terrain mais n’ont même pas droit au billet qui leur permettrait de s’asseoir dans les tribunes du stade…
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