Contre l'illusion des deux États de Macron et le fantas
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Clarté révolutionnaire et les dangers du consentement
I. Introduction : Le mirage de l’État, l’écho d’Oslo et le cadre souverain des revendications palestiniennes
Suite aux appels renouvelés de Macron en faveur d'une solution à deux États – relayés par l'Arabie saoudite et une coalition d'États occidentaux –, la libération palestinienne est une fois de plus réduite à une chorégraphie diplomatique de trahison, de report et de rhétorique égoïste. Ce cadre n'est pas neutre. Il s'agit d'un slogan pacifiste, d'une architecture liquidatrice qui efface la totalité des revendications palestiniennes. La thèse de cet essai est claire : la « solution » à deux États n'est pas une solution. C'est un mécanisme de répression, conçu pour fragmenter, reporter et, à terme, dissoudre l'impératif révolutionnaire de l'autodétermination palestinienne sur son propre territoire.
Ce qui se joue aujourd'hui n'est pas une rupture avec la domination sioniste, mais une répétition : la même logique coloniale, la même chorégraphie diplomatique, le même refus de respecter les droits inaliénables des Palestiniens. Le discours actuel évoque étrangement Oslo, non pas dans ses promesses, mais dans ses trahisons. Le « passé » ici ne se résume pas aux accords de 1993, mais à l'architecture plus large de l'endiguement contrôlé : une histoire où les revendications palestiniennes sont diluées et domestiquées par des cadres internationaux qui privilégient la permanence coloniale au détriment de la restauration autochtone. Ces cadres ne se contentent pas de méconnaître les aspirations palestiniennes ; ils visent à les réprimer. Ils considèrent le colon comme permanent, le réfugié comme négociable et la patrie comme divisible.
Edward Said l'avait parfaitement compris. Dans son essai de 1993 , The Morning After , il qualifiait Oslo de « Versailles palestinien » – une concession catastrophique qui légitimisait l'occupation, effaçait la diaspora et reportait le droit au retour. Il avertissait que l'accord transformait la résistance en « terreur » et la colonisation en « coordination ». Le refus de Said n'était pas seulement politique, il était épistémique. Il voyait Oslo comme une trahison de la souveraineté narrative, une renonciation non seulement territoriale, mais aussi de sens. Pourtant, alors même qu'il tirait la sonnette d'alarme, d'autres célébraient les accords comme une avancée diplomatique. L'histoire se répète : la machine de la tromperie est réactivée et, une fois de plus, certains confondent endiguement et paix.
Les motivations de Macron sont multiples. Géopolitiquement, il cherche à contrebalancer le soutien américain à la guerre israélienne à Gaza, positionnant la France comme un médiateur moral dans un ordre mondial fracturé. Sur le plan intérieur, il répond à la colère croissante de l'opinion publique en Europe, où le soutien à Israël a atteint des niveaux historiquement bas. L'« Appel à la solution à deux États » du Forum de Paris sur la paix présente cette proposition comme un geste humanitaire et une tentative de rétablir l'Autorité palestinienne à Gaza. Mais ce rétablissement n'est pas une question de souveraineté ; c'est un endiguement.
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Une fillette palestinienne de 4 ans a perdu la vie à cause de la malnutrition et du manque de soins dus à la guerre à Gaza (D'après UNRWA/CC BY-SA 4.0)
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Plusieurs pays de l'UE ont rejoint l'initiative de Macron – la France, le Royaume-Uni, la Belgique, le Portugal, le Luxembourg, Malte – aux côtés de l'Australie et du Canada. Mais les fractures sont visibles : l'Allemagne, l'Italie, la Grèce et les Pays-Bas ont refusé de signer, invoquant des inquiétudes quant à une reconnaissance prématurée et aux retombées géopolitiques. Au-delà de l'Europe, l'Iran a dénoncé l'initiative, la considérant comme une diversion à la guerre et un stratagème pour réhabiliter l'AP sans démanteler l'occupation sioniste. La Russie reste évasive, insistant sur la nécessité de l'unité palestinienne avant toute approbation d'un quelconque cadre. La Chine, tout en approuvant officiellement l'idée de deux États, met en garde contre les propositions qui accentuent la fragmentation ou ignorent le coût humanitaire. Il en résulte un concert de reconnaissance fragmenté – plus symbolique que structurel, plus performatif que transformateur, et profondément en décalage avec les revendications révolutionnaires de libération palestinienne.
Dans ce contexte, les revendications palestiniennes restent claires, cohérentes et inaliénables :
- Le droit au retour de tous les réfugiés, tel que consacré par la résolution 194 de l’ONU
- Le droit à la pleine souveraineté sur la Palestine historique — et non sur un pseudo-État fragmenté
- Le droit de résister à l’occupation et à la colonisation, y compris le démantèlement des colonies et du mur d’apartheid
- Le droit à la représentation — non pas par l’intermédiaire d’organismes compromis comme l’Autorité palestinienne, mais par des voix unifiées, populaires et diasporiques
- Le droit à la mémoire et à la souveraineté narrative, refusant l'effacement et la déformation
Ces éléments ne sont pas négociables. Ils ne sont pas contingents. Ils ne sont pas soumis à une chorégraphie diplomatique. Ils constituent l'infrastructure de la justice – et toute proposition qui les ignore n'est pas un plan de paix, mais un plan pour une dépossession continue.
II. L'architecture trompeuse de la proposition à deux États
La proposition de deux États, telle que prônée actuellement par Macron et reprise par certains États occidentaux et arabes, n'est pas un modèle de justice ; c'est un procédé rhétorique destiné à apaiser, à temporiser et à obscurcir. Son architecture est trompeuse non pas par manque de détails, mais parce que son flou est stratégique. Elle offre l'illusion d'un État tout en préservant l'infrastructure de la domination sioniste.
- Slogan contre substance : L'expression « حل الدولتين » circule comme un slogan apaisant, et non comme une solution politique. Elle promet la paix tout en renforçant l'occupation. Elle agit comme un sédatif diplomatique, apaisant la conscience internationale sans modifier la situation matérielle.
- Le cadrage de Macron : La proposition de Macron est centrée sur le désarmement, la coordination sécuritaire et le rétablissement de l'Autorité palestinienne à Gaza. Mais il ne s'agit pas d'avancées vers la souveraineté ; ce sont des mécanismes d'endiguement. L'AP n'est pas investie de pouvoirs ; elle est sous-traitée. Son rôle n'est pas de négocier la libération, mais de gérer la répression : surveiller sa propre population, se coordonner avec l'occupant et administrer des fragments de territoire sans frontières, sans espace aérien ni mouvement. Il ne s'agit pas de représentation, mais d'une chorégraphie coloniale.
L'absence d'une voix palestinienne unifiée n'est pas fortuite ; elle est orchestrée. Parallèlement, la résistance, élue au pouvoir en 2006, n'a pas été vaincue, mais éliminée par une intervention extérieure. Les États-Unis et leurs alliés ont refusé de respecter le résultat démocratique, imposant des sanctions et soutenant la fragmentation interne. Ce faisant, ils ont redéfini la légitimité comme une simple conformité. La résistance, malgré le siège et l'isolement, demeure le seul acteur ancré dans un mandat populaire et engagé dans la libération. Son exclusion des cadres diplomatiques ne constitue pas un échec de représentation, mais une stratégie de répression. - Flou stratégique : L'absence de frontières définies n'est pas un oubli, c'est une caractéristique. Elle permet à Israël d'étendre ses colonies, d'annexer des terres et de redessiner des cartes tout en prétendant soutenir la « paix ». Cette ambiguïté ne se limite pas à la proposition : elle est ancrée dans la géographie même d'Israël. L'entité israélienne n'a jamais déclaré ses frontières, ce qui lui permet de fonctionner comme un projet colonial fluide : s'étendant à sa convenance, se rétractant lorsque cela est stratégique et refusant la réciprocité. Le cadre des deux États reflète cette logique, offrant aux Palestiniens un État fantôme tout en préservant la mobilité, l'impunité et le contrôle cartographique d'Israël. Le flou n'est pas un défaut : c'est l'architecture diplomatique de l'apartheid.
- Continuité coloniale : Le mur, les points de contrôle, les colonies – rien n'est abordé dans la proposition. Ce ne sont pas des obstacles temporaires ; ce sont des éléments permanents du contrôle sioniste. Le cadre des deux États les traite comme négociables, alors qu'ils sont en réalité des instruments non négociables de l'apartheid.
- Théâtre diplomatique international : La proposition ne vise pas à satisfaire les revendications palestiniennes, mais à restaurer la crédibilité occidentale. Les revendications palestiniennes sont claires, cohérentes et ancrées à la fois dans la résistance vécue et dans le droit international : le démantèlement des colonies, la levée du siège de Gaza, le droit au retour des réfugiés, la fin de l’occupation militaire et la reconnaissance de la pleine souveraineté sur la Palestine historique. Cette dernière revendication est juridiquement fondée – affirmée par la résolution 3236 de l’ONU et confirmée par la Cour internationale de Justice comme une obligation erga omnes – c’est-à-dire un devoir de tous les États envers la communauté internationale dans son ensemble, exécutoire même en l’absence de préjudice direct.
III. D'Oslo à Macron — L'évolution de l'endiguement diplomatique
La proposition de deux États n'est pas une rupture, mais un perfectionnement de l'architecture coloniale existante. Elle ne démantèle pas le mécanisme d'occupation ; elle le rebaptise. En morcelant la Palestine et en qualifiant cet arrangement de paix, la proposition préserve la souveraineté des colons tout en offrant une couverture diplomatique à ses complices.
D'Oslo à Macron, l'appareil diplomatique a évolué non pas pour résoudre le conflit, mais pour en gérer l'apparence. Chaque itération réinvente le langage de la paix afin de préserver l'infrastructure de la domination. La chorégraphie change, mais la logique demeure : différer les revendications fondamentales, renforcer les acteurs compromis, réprimer la résistance et recadrer la colonisation comme une forme de coordination.
- La naissance d'Oslo : Les accords d'Oslo de 1993 ont instauré le principe du sursis. Ils ont reconnu l'Autorité palestinienne comme administrateur provisoire, et non comme entité souveraine. Ils ont reporté les questions relatives au statut final – frontières, réfugiés, Jérusalem – tout en permettant à Israël d'étendre ses colonies et de consolider son contrôle. Oslo n'a pas initié la paix ; il a institutionnalisé l'asymétrie.
- L'appareil tampon : Oslo a sous-traité la gouvernance palestinienne à l'Autorité palestinienne, la transformant en un tampon entre l'occupant et l'occupé. Cet appareil n'était pas conçu pour représenter la volonté palestinienne ; il était conçu pour absorber la résistance, gérer la dissidence et coordonner la sécurité avec Israël. Il s'agissait d'une politique d'endiguement déguisée en autonomie.
- Effacement post-2006 : Lorsque la résistance a été élue au pouvoir, le cadre diplomatique ne s’est pas adapté ; il a riposté. Les États-Unis et leurs alliés ont imposé des sanctions, soutenu la fragmentation interne et redéfini la légitimité comme la conformité. Le mandat électoral a été effacé et l’appareil tampon a été préservé.
- La division comme tactique : Le système à deux États divise les Palestiniens géographiquement (Gaza contre Cisjordanie), politiquement (AP contre Hamas) et existentiellement (citoyens contre réfugiés). Ces divisions ne sont pas fortuites, elles sont stratégiques. Elles fragmentent le corps national, isolent la résistance et empêchent une représentation unifiée. La fragmentation n'est pas un symptôme, c'est une tactique de contrôle.
- Diaspora effacée : De Chatila à Santiago, la communauté palestinienne mondiale est exclue du discours sur l'« État ». Le cadre des deux États traite la diaspora comme insignifiante, malgré son rôle central dans le maintien de la mémoire, la mobilisation et la mission. L'apatridie n'est pas résolue, elle est ignorée. La proposition n'offre ni retour, ni représentation, ni reconnaissance.
- La réanimation de Macron : La proposition de Macron ne s'écarte pas d'Oslo, elle la réanime. Elle est centrée sur le désarmement, la coordination sécuritaire et le rétablissement de l'Autorité palestinienne à Gaza. Elle n'offre ni frontières, ni contrôle de l'espace aérien, ni garantie de retour. Elle exclut la résistance, réorganise la zone tampon et s'inscrit dans la continuité des efforts déployés sans s'attaquer à la colonisation.
- Chorégraphie juridique : Même les recours au droit international sont chorégraphiés. Si l'autodétermination palestinienne est affirmée dans les résolutions de l'ONU et les avis de la CIJ, le droit international lui-même est une production occidentale, conçue pour gérer la décolonisation sans démanteler les hiérarchies mondiales. Son application sélective réprime la résistance tout en légitimant l'occupation.
Cette évolution n'est pas accidentelle : elle est stratégique. Chaque geste diplomatique affine le mécanisme du report. Le langage de la paix devient une technologie de contrôle. La proposition de deux États n'est pas une solution : c'est la dernière version de l'endiguement.
IV. Opposition israélienne — Une performance stratégique
Le rejet par Israël de la proposition de Macron sur deux États n'est pas une contradiction, mais une continuation. Il ne résulte pas de la crainte d'une autonomisation palestinienne, mais d'un calcul stratégique de fragmentation. La proposition, telle qu'elle est conçue, ne représente aucune menace pour le contrôle sioniste. Son rejet n'est pas motivé par des principes, mais par une performance.
- Pourquoi s'opposer à l'accord de Macron ? Israël s'oppose à la proposition non pas parce qu'elle accorde la souveraineté aux Palestiniens, mais parce qu'elle réactive un cadre diplomatique impliquant des négociations. En la rejetant, Israël accentue la fragmentation de la représentation palestinienne, délégitime la médiation internationale et réaffirme son unilatéralisme. L'objectif n'est pas d'empêcher la paix, mais d'empêcher la parité.
- La logique du contrôle : Une fois que l'AP a abandonné sa revendication de pleine souveraineté, Israël n'a pas jugé nécessaire d'engager des négociations. Le modèle de gouvernance sous-traitée sert les intérêts israéliens : il externalise le contrôle, détourne l'obligation de rendre des comptes et réprime la résistance. La négociation devient inutile lorsque l'endiguement est déjà réalisé.
- Le rejet comme levier : En s’opposant à la proposition, Israël se positionne comme la partie lésée, affirmant que même les cadres les plus édulcorés sont trop généreux. Cette posture rhétorique lui permet d’exiger de nouvelles concessions, de redéfinir la sécurité et d’étendre les colonies sous couvert de légitime défense. Le rejet devient un outil d’escalade. Mais cette opposition n’est pas réactive, elle est stratégique. Elle s’aligne sur la vision ouvertement affichée d’Israël d’un « Grand Israël », qui comprend le contrôle permanent de la Cisjordanie, l’annexion de blocs de colonies et le déni de la souveraineté palestinienne. Le rejet de la proposition de Macron n’est pas un refus de paix, mais un refus de partage. Il signale que l’ère des négociations est révolue et que le projet sioniste recherche désormais un maximalisme territorial sans contrainte diplomatique. Dans ce contexte, le rejet n’est pas une rupture, mais une déclaration : le territoire ne doit pas être partagé et l’endiguement se poursuivra sans consentement.
- Normalisation sans négociation : Israël n'a plus besoin de la proposition de deux États pour garantir sa légitimité internationale. Grâce à des accords de normalisation, des partenariats économiques et des alliances stratégiques, il contourne complètement la question palestinienne. La proposition de Macron réintroduit un cadre qu'Israël a déjà dépassé – un cadre qui implique responsabilité, frontières et reconnaissance.
- Le Spectacle du Refus : L'opposition israélienne ne se résume pas à un refus de la logique coloniale, mais à un refus de partager la scène. La proposition, même vague, évoque la diplomatie. Israël préfère la domination sans dialogue. Son rejet n'est pas un recul, mais une déclaration : le Grand Israël n'est pas négociable et l'endiguement ne sera pas co-écrit.
V. La rhétorique de la paix comme technologie de contrôle
Dans l'architecture de la diplomatie internationale, la paix n'est pas une fin en soi, c'est un outil. Elle ne vise pas à résoudre l'injustice, mais à en réguler la visibilité. La rhétorique de la paix est déployée pour gérer la perception, réprimer la résistance et recadrer la colonisation comme une forme de coordination. Elle n'est pas neutre. C'est une technologie de contrôle.
Les acteurs occidentaux invoquent la paix pour exercer leur autorité morale tout en éludant toute responsabilité. Ils ne parlent de « calme », de « retenue » et de « désescalade » que lorsque les Palestiniens résistent. Le langage est asymétrique : l’occupation n’est jamais nommée, l’apartheid n’est jamais condamné et la violence sioniste est traitée comme une question de sécurité. La paix devient un euphémisme pour la pacification.
Cette rhétorique n'est pas fortuite : elle est stratégique. Elle permet aux diplomates de condamner la violence sans en affronter la source. Elle permet aux médias de rapporter les « affrontements » sans nommer le colonisateur. Elle permet aux organisations humanitaires de fournir de l'aide tout en évitant la politique du siège. La paix, dans ce contexte, n'est pas un impératif moral, c'est un bouclier discursif.
La proposition de deux États est imprégnée de cette rhétorique. Elle promet la « coexistence » sans démantèlement du mur, la « sécurité » sans levée du blocus et l'« État » sans souveraineté. Elle offre aux Palestiniens un avenir sans retour, sans frontières ni représentation. Elle transforme le langage de la libération en grammaire de l'endiguement.
Même les recours au droit international sont orchestrés. Le droit à l'autodétermination est affirmé dans des résolutions et des décisions de justice, mais jamais appliqué. Le droit est invoqué pour condamner la résistance, et non l'occupation. Il est invoqué pour réguler la conduite palestinienne, et non l'expansion israélienne. Cette application sélective révèle sa fonction : légitimer la diplomatie tout en entravant la libération.
La paix, telle que prônée par Macron et ses alliés, n'est pas un horizon, c'est un piège. Elle vise à différer la justice, à occulter le pouvoir et à restaurer la crédibilité de l'Occident. Elle n'est pas le contraire de la guerre : c'est la continuation de la colonisation par des moyens rhétoriques.
VI. L'Archive du Refus — Nommer ce que la proposition efface
Pour comprendre la proposition de deux États, il faut lire non seulement son texte, mais aussi ses omissions. Ce qu'elle ne nomme pas, elle ne prétend pas l'aborder. Son architecture repose sur l'effacement : de l'histoire, de la souffrance, de la résistance. Elle offre un avenir sans mémoire, un État sans retour, une paix sans justice.
Il efface la Nakba, non pas comme une rupture historique, mais comme une blessure vive. Il passe sous silence la dépossession de 1948, la destruction de villages, l'exil de millions de personnes. Il traite le réfugié comme un sujet humanitaire, et non comme un agent politique. Le droit au retour n'est pas différé ; il est nié.
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« Résidents arabes chassés de Haïfa par les hommes armés de la Haganah, avril 1948 », selon Haaretz (domaine public).
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Elle efface Gaza, non pas comme territoire, mais comme témoignage. Le siège n'est pas nommé, les bombardements ne sont pas condamnés, la résistance n'est pas reconnue. Gaza devient un lieu de préoccupation humanitaire, et non de violence coloniale. Ses souffrances sont instrumentalisées pour justifier une intervention, et non une libération.
Elle efface la résistance, non pas en tant que force militaire, mais en tant que volonté politique. Le mandat électif du Hamas en 2006 est ignoré, le soutien populaire est écarté, la clarté idéologique est vilipendée. La résistance est présentée comme de l'extrémisme, tandis que l'occupation est présentée comme une question de sécurité. La proposition ne négocie pas ; elle sélectionne ses interlocuteurs en fonction de leur conformité.
Elle efface la diaspora, non pas comme une population dispersée, mais comme une archive mondiale de mémoire et de mobilisation. Les millions de personnes en exil ne sont ni consultées, ni représentées, ni rapatriées. Leur témoignage est exclu des archives diplomatiques. Leur désir est traité comme de la nostalgie, et non comme une revendication juridique.
La proposition de deux États ne vise pas la résolution, mais l'effacement. Accepter ses termes revient à participer à l'effacement de l'histoire, de la capacité d'action et de l'avenir des Palestiniens.
VII. Refus comparatifs et précédents révolutionnaires
Le refus du partage n'est pas une simple envolée rhétorique, mais un impératif historique. Le rejet par la Palestine de l'illusion des deux États n'est pas une anomalie, mais la continuité d'une clarté révolutionnaire partagée par les mouvements de libération. Accepter un cadre qui laisse la moitié d'un peuple en exil et l'autre moitié d'une patrie sous occupation n'est pas un compromis, mais un consentement à l'effacement.
L'Algérie aurait-elle accepté un compromis à « deux États » préservant la domination coloniale française sur Alger tout en reléguant la souveraineté autochtone aux marges ? La Chine aurait-elle négocié sa libération en cédant son territoire central à l'administration coloniale et en appelant cela la paix ? Il ne s'agit pas de provocations spéculatives. Ce sont des miroirs tendus au mécanisme du consentement.
La Palestine ne se résume pas à Gaza et à la Cisjordanie. Ce n'est pas un vestige cartographique. C'est une patrie – dépossédée, indivisible et inflexible. La réduire en fragments, c'est participer au fantasme même que les archives refusent.
Comme l'a écrit Ghassan Kanafani : « La seule terre que les Palestiniens peuvent revendiquer est celle de la révolution. » Ce n'est pas une métaphore, c'est une méthode. C'est l'architecture de la justice, et non le contraire de la paix. La révolution, dans ce contexte, n'est pas tant un appel aux armes qu'un refus de l'oubli, un refus de négocier la dignité, un refus de traduire le témoignage en diplomatie.
VIII. Conclusion : Vers un vocabulaire libéré et la Palestine
Rejeter la proposition de deux États, ce n'est pas rejeter la paix, c'est rejeter la pacification. C'est refuser un cadre fondé sur l'effacement, l'asymétrie et l'endiguement. Ce refus n'est pas nihiliste, il est éthique. Il insiste sur le fait que tout avenir digne d'être construit doit commencer par la vérité, la justice et le retour.
Le refus n'est pas l'absence de vision, mais sa condition préalable. Il débarrasse le terrain de tout échafaudage trompeur, permettant ainsi d'imaginer la libération sans compromis. Il révèle ce que la diplomatie occulte : la souveraineté ne peut coexister avec le siège, la représentation ne peut être sous-traitée et la paix ne peut être construite sur l'apartheid.
Un vocabulaire libéré commence par le refus. Il désigne l'occupation comme un apartheid, le siège comme une guerre et la résistance comme une volonté politique. Il n'aseptise pas la violence par des euphémismes. Il ne diffère pas la justice par la procédure. Il ne confond pas l'endiguement avec la souveraineté. Il s'exprime à partir des archives de la lutte, et non de la chorégraphie de la diplomatie.
L'architecture du retour commence par la restauration de la mémoire. Elle affirme la Nakba non pas comme un événement passé, mais comme une structure présente. Elle place le réfugié au centre, non pas comme un sujet humanitaire, mais comme un acteur politique. Elle reconquiert Gaza non pas comme une zone de crise, mais comme un lieu de résistance. Elle reconnaît la diaspora non pas comme une dispersion, mais comme une mobilisation.
Ce vocabulaire ne s'invente pas, il se remémore. Il vit dans les chants du retour, les témoignages des survivants, les cartes dessinées en exil. Il s'inscrit dans les décombres des villages effacés, le silence des histoires censurées, la persistance des diasporas mobilisées. Ce n'est pas un lexique politique, c'est un langage de libération.
Avancer vers la Palestine, c'est restaurer ce langage. Parler de souveraineté sans sous-traitance, de retour sans condition, de justice sans sursis. C'est rejeter l'architecture trompeuse de la proposition de deux États et construire, à la place, un cadre ancré dans la mémoire, le mandat et le refus.
La Palestine n'a pas besoin d'une proposition, elle a besoin d'être reconnue. Non pas de ses fragments, mais de son intégralité. Non pas de son confinement, mais de son horizon. Non pas de son effacement, mais de sa voix.
Rima Najjar est une Palestinienne dont la famille paternelle est originaire du village de Lifta, dépeuplé de force à l'ouest de Jérusalem, et dont la famille maternelle est originaire d'Ijzim, au sud de Haïfa. Militante, chercheuse, elle est également professeure de littérature anglaise à la retraite à l'Université Al-Qods, en Cisjordanie occupée. Consultez le blog de l'auteure.
Elle est chercheuse associée au Centre de recherche sur la mondialisation (CRG).
Image principale : « Il n’y a qu’une seule solution : la révolution. » (Source : Rima Najjar)
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