PÉTITION - Menace sur les vitraux ( de Notre-Dame ) de Viollet-le-Duc
Stéphane Bern dit : “On ne peut pas enlever des vitraux classés”. Gardons à la cathédrale Notre-Dame de Paris les vitraux de Viollet-le-Duc
Le journaliste et historien de l’art, Didier Rykner, a lancé une pétition pour protester contre un projet de remplacement des vitraux historiques de la cathédrale Notre-Dame de Paris par des œuvres d’art contemporaines. Le fondateur de La Tribune de l’Art, un magazine consacré à la préservation du patrimoine français, a qualifié de « totalement absurde » l’idée de remplacer les vitraux. La pétition a à ce jour recueilli plus de 262 000 signatures. Le président français Emmanuel Macron avait annoncé lors d’une visite à la cathédrale l’année dernière que les vitraux de six des sept chapelles latérales du bas-côté sud seraient retirés et remplacés par de nouveaux vitraux. Les anciens vitraux seront placés dans le nouveau musée Notre-Dame, a déclaré Macron.
Depuis l’incendie qui a ravagé l’édifice vieux de 800 ans en avril 2019, la cathédrale fait l’objet d’une vaste campagne de reconstruction qui implique 250 entreprises et ateliers d’art français. Macron a exprimé son souhait que le XXIe siècle « ait sa place parmi tant d’autres qui figurent dans les œuvres de cette cathédrale », et a déclaré que le concours pour remplacer les vitraux est un effort pour « marquer ce XXIe siècle ».
Les vitraux destinés à être retirés, qui n’ont pas été touchés par l’incendie, ont été conçus par l’architecte français Eugène Viollet-le-Duc, célèbre pour avoir restauré la cathédrale Notre-Dame et de nombreux autres monuments médiévaux du pays. La pétition protestant contre cette décision souligne que les vitraux de Viollet-le-Duc « ont été créés comme un tout cohérent ». Elle indique qu’« il s’agit d’une véritable création dont l’architecte a voulu être fidèle aux origines gothiques de la cathédrale ».
Didier Rykner, auteur de la pétition, a déclaré qu’au lieu de retirer les vitraux non endommagés de l’allée sud, il serait plus logique que le gouvernement commande des vitraux pour la partie nord de la cathédrale, qui a subi le plus gros de l’incendie. « Comme vous pouvez le constater sur certaines vidéos, la cathédrale comporte des travées dépourvues de vitraux, fermées seulement par des lucarnes blanches », écrit-il. « L’installation de vitraux dans ces travées ne nuirait pas à l’harmonie voulue par Viollet-le-Duc et mettrait en valeur la cathédrale. »
« Elle aurait aussi un rôle symbolique magnifique : c’est dans la tour nord, lorsqu’ils ont combattu l’incendie qui menaçait de faire tomber les cloches et, par conséquent, la cathédrale, que les pompiers ont risqué leur vie pour sauver le monument », a-t-il ajouté. « Rendre hommage aux pompiers, apporter de nouveaux vitraux à Notre-Dame sans vandaliser l’œuvre de Viollet-le-Duc, donner plus à voir aux futurs visiteurs : cette solution de bon sens pourrait convenir à tout le monde. »
Les tentatives de modernisation de la cathédrale médiévale ont été à plusieurs reprises repoussées. Peu de temps après l’incendie de 2019, le Premier ministre français Édouard Philippe a annoncé un concours international pour remplacer la flèche emblématique du XIXe siècle qui avait également été conçue par Viollet-le-Duc et qui a été détruite. Macron a lancé l’idée de remplacer la flèche détruite de l’église du XIXe siècle par quelque chose de « contemporain », et un cabinet d’architectes a proposé de la reconstruire avec du verre et de l’acier inoxydable, mais l’idée a été mal accueillie par le public.
La nouvelle flèche a finalement été reconstruite avec des chênes bicentenaires soigneusement sélectionnés, comme l’avait prévu Viollet-le-Duc. Elle a été officiellement achevée le 16 décembre avec l’installation d’une nouvelle girouette en forme de coq, qui a remplacé celle retrouvée dans les décombres lors de l’effondrement de la précédente flèche. Le coq original aurait contenu un fragment de la Couronne d’épines, ainsi que les restes de saint Denis et de sainte Geneviève, tous placés dans le nouveau coq.
➽ SIGNER LA PÉTITION : Conservons à Notre-Dame de Paris les vitraux de Viollet-le-Duc
Le président de la République a décidé, seul, sans aucun égard pour le code du patrimoine ni pour la cathédrale Notre-Dame de Paris, de remplacer les vitraux de six chapelles sur sept du bas-côté sud par des créations contemporaines, après l’organisation d’un concours.
Les vitraux de Notre-Dame conçus par Viollet-le-Duc l’ont été comme un ensemble cohérent. Il s’agit d’une véritable création que l’architecte a voulu fidèle à l’origine gothique de la cathédrale. Aux vitraux historiés du déambulatoire, du chœur et du transept s’ajoutent, dans les chapelles de la nef, des verrières purement décoratives en grisaille. Il y a ici une recherche d’unité architecturale et de hiérarchisation de l’espace qui fait partie intégrante de son œuvre et que les travaux avaient notamment pour but de retrouver. D’ailleurs, le chantier en cours a intégré le nettoyage et la consolidation de l’ensemble de ces vitraux.
Peu après l’incendie, des menaces avaient pesé sur eux qui, rappelons-le, n’ont pas été touchés ni même détériorés par l’incendie, et qui sont classés monument historique au même titre que l’ensemble du monument. Mais le ministère de la Culture avait été très clair par la voix de la ministre de l’époque : il n’était pas question d’y toucher. C’est pour cette raison que l’hypothèse de leur remplacement n’a jamais été examinée par la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, l’instance chargée de conseiller le ministre pour les travaux importants sur les monuments historiques. Viollet-le-Duc est une figure majeure de l’art français, reconnue par de nombreuses publications et expositions dont celle organisée en 2015 à la Cité de l’architecture et du patrimoine.
Pourtant, lors de sa visite à Notre-Dame, vendredi 8 décembre 2023, en même temps qu’il révélait l’excellente nouvelle de la création d’un musée de l’Œuvre dans l’Hôtel-Dieu, Emmanuel Macron a annoncé que les vitraux de six des sept chapelles du bas-côté sud seraient déposés et remplacés par des vitraux contemporains qui feraient l’objet d’un concours. Pour désamorcer les contestations, dont il savait déjà qu’elles seraient fortes, le président de la République a ajouté que ces vitraux seraient exposés dans le musée, ce qui est absurde. Car ces verrières, qui ont ― volontairement ― des compositions purement décoratives à décors géométriques, n’ont d’intérêt qu’in situ, comme élément à part entière de l’architecture. Elles n’auraient aucun sens hors de celle-ci et prendraient, sans aucun bénéfice pour le public, une place très importante dans les salles de l’Hôtel Dieu en empêchant d’y exposer d’autres œuvres. Si ces vitraux devaient être remplacés, ils finiraient certainement dans des caisses en réserves car les exposer dans le musée viendrait en réalité doubler le scandale de leur dépose.
Quel est le sens de restituer le dernier état historique connu de la cathédrale (avant le 15 avril 2019), celui de Viollet-le-Duc, pour priver l’édifice d’un élément essentiel voulu par celui-ci ? Comment peut-on justifier de restaurer des vitraux qui ont survécu à la catastrophe pour aussitôt les enlever ? Qui a donné mandat au chef de l’État d’altérer une cathédrale qui ne lui appartient pas en propre, mais à tous ? Les vitraux contemporains ont toute leur place dans l’architecture ancienne lorsque ceux d’origine ont disparu. Ils n’ont pas vocation à remplacer des œuvres qui existent déjà.
Emmanuel Macron veut poser la marque du XXIe siècle sur Notre-Dame de Paris. Un peu de modestie serait peut-être préférable. Nous ne serons pas assez cruel pour rappeler que cette marque existe déjà : l’incendie. Un incendie certes accidentel, mais pour lequel il a été abondamment démontré que l’État, avant et pendant sa présidence, porte de lourdes responsabilités.
La renaissance de la cathédrale a été rendue possible par une vaste mobilisation nationale et internationale, grâce aux contributions de milliers de donateurs qui souhaitaient la restaurer dans son état historique. Croit-on vraiment que ceux-ci accepteront que sa restauration soit altérée par la volonté d’Emmanuel Macron d’y laisser son empreinte ?
Les signataires de cette pétition demandent donc que le choix initial du ministère de la Culture de conserver les vitraux voulus par Viollet-le-Duc dans la cathédrale soit respecté, et que la décision du président de la République de doter six des sept chapelles du bas-côté sud de vitraux contemporains soit abandonnée.
Cette pétition est lancée par La Tribune de l’Art. L’association Sites & Monuments en est le premier signataire, par l’intermédiaire de son président Julien Lacaze.
Commentaires
Enregistrer un commentaire